Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/298

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Les élus du parti ouvrier ont le devoir de dénoncer les auteurs du crime qui vient d’être commis contre le travail. »

Depuis cette époque, M. Zévaès s’est assagi.

M. Gerville-Réache avait déposé un ordre du jour de « confiance dans le Gouvernement pour établir toutes les responsabilités ». La priorité n’avait été accordée à cet ordre du jour que grâce à l’appoint de onze députés socialistes qui n’avaient pas voulu s’abstenir ou voter contre comme leurs amis. C’était là une bien chétive majorité, mais l’attitude des progressistes et de M. Ribot qui exécuta, avec un talent remarquable, mais une maladresse insigne, une charge à fond de train à la fois contre le cabinet et les socialistes, détermina vingt-sept députés socialistes à voter pour le Gouvernement et l’ordre du jour de M. Gerville-Réache fut adopté. Si les socialistes avait fait bloc avec les républicains ministériels, en revanche les modérés et les progressistes s’étaient unis aux réactionnaires. Des deux côtés on était dans la logique du moment.

Un bref débat eut lieu en mars au sujet d’une proposition d’un député nationaliste, M. Massabuau, réclamant la suppression des appels de réservistes et de territoriaux à l’occasion de l’Exposition. Cette demande fut repoussée. Vers la fin du mois, le Sénat décréta et adopta la loi modifiant celle de 1892 sur le travail des enfants, des filles mineures et des femmes dans les établissements industriels. Suivant M. Waddington, la loi intéressait 130.000 enfants, 600.000 femmes et plus de 1.100.000 ouvriers adultes. M. Waddington n’était pas partisan d’une modification de la loi de 1892 ; il l’avait expérimentée, appliquée, dans ses établissements ; à son avis elle suffisait ; la modifier dans un sens plus large sans qu’auparavant fut intervenue une entente internationale, c’était créer de graves difficultés à l’industrie française. Toutefois, il ajouta qu’il voterait la loi proposée, parce qu’il estimait équitable, nécessaire de garantir aux enfants, aux femmes, des conditions de travail plus humaines et à l’ouvrier la liberté indispensable au développement de la vie de famille. M. Millerand, ministre du commerce défendit le projet de loi et M. Strauss, sénateur de la Seine, se joignit à lui pour convaincre le Sénat : malgré l’opposition obstinée de MM. Sébline et Expert-Bezançon, la loi fut adoptée.

Elle était loin de répondre aux revendications des travailleurs socialistes, mais il serait injuste de contester que la limitation des heures du travail pour les enfants, les femmes, les filles mineures, la suppression du travail de nuit constituaient un progrès appréciable.

L’attention du pays se partageait entre l’approche de l’ouverture de l’Exposition, la préparation des élections municipales et les luttes que soutenaient, dans le Sud-Africain, la République d’Orange et celle du Transvaal contre l’Angleterre. Cette lutte était d’autant plus émouvante que, provoquée par une agression aussi inattendue qu’injustifiée de la part de l’Angleterre, elle se déroulait entre une grande puissance disposant de soldats nombreux et de millions par centaines et un infime groupe d’hommes résolus aux pires sacri-