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CHAPITRE XXXII


Le ministère Waldeck Rousseau et les travailleurs. — La grève de Saint-Étienne. — Interventions socialistes. — M. Millerand à Saint-Mandé. — Le travail des femmes et des enfants. — Inauguration de l’Exposition internationale. — Les élections municipales à Paris. — Les événements de Châlon-sur-Saône. — La guerre en Chine. — Le Congrès international socialiste. — Les lois ouvrières et le Parlement. — L’affaire Dreyfus.


Voici l’année 1900, la dernière d’un siècle tourmenté, fécond entre tous ceux qui marquent révolution de notre pays, l’histoire du monde. Né en pleine épopée guerrière, parmi une griserie de gloire meurtrière, stérile, après la formidable secousse de la Révolution, il caractérise d’une empreinte grandiose, indélébile, le rôle de notre pays dans l’œuvre de collaboration générale au développement, aux progrès de l’esprit humain. Ce rôle est indéniable : chaque mouvement révolutionnaire qui s’y produit a sa répercussion dans toute l’Europe dont les trônes se trouvent ébranlés et les peuples émus. La bourgeoisie française, en parachevant ses conquêtes politiques avec l’aide du prolétariat qu’elle utilise pour cette entreprise, comme elle l’emploie, dans le domaine du travail, à développer et à asseoir sa puissance économique, entraîne à suivre son exemple la bourgeoisie des autres pays. Mais, à pousser l’élément populaire aux luttes révolutionnaires qu’elle juge utiles à ses intérêts et qu’elle canalise à son profit exclusif, elle lui apprend, bien malgré elle, à combattre pour lui-même. L’apprentissage de ce rôle du prolétariat est lent, difficile, douloureux. Toujours groupé et guidé par d’autres, il lui faut s’accoutumer à se grouper de lui-même pour lui-même et à se guider lui-même.

Le siècle finissant le trouve engagé dans cette voie, en minorité encore il est vrai, mais en minorité qui compte dans l’orientation politique du pays, dans son fonctionnement économique et à la rapidité de son accroissement on peut déjà prévoir que le jour se rapproche où la classe dirigeante sera obligée de compter avec lui. D’autant plus que les militants ont abandonné les allures, le langage du socialisme romantique et purement sentimental ; qu’ils ont étudié, vu les réalités de près et adopté le programme qui lentement s’est