Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tant la thèse décentralisatrice de l’amendement proposé par M. Lefèvre-Pontalis, un membre de la droite cependant, peu suspect de favoriser les « menées démagogiques ». Cet amendement portait que dans toutes les communes le Conseil municipal élirait le maire et les adjoints parmi ses membres, au scrutin secret et à la majorité absolue. Les maires ainsi nommés restaient révocables par décret et ne pouvaient être rééligibles avant une année.

Cet amendement, fortement appuyé, avait été adopté quand M. Thiers intervint et, sous menace de se retirer ― menace coutumière qui lui réussissait ― réclama pour le pouvoir exécutif la nomination des maires, au moins dans les grandes villes. L’Assemblée s’était laissée impressioner par cet ultimatum et, par 569 voix contre 39 ― les abstentions furent nombreuses ― elle avait adopté un complément à l’article, disant : « La nomination des maires aura lieu provisoirement par décret du gouvernement, dans les villes de plus mille habitants et dans les chefs-lieux de département et d’arrondissement, quelque soit le chiffre de la population. Les maires et adjoints seront pris dans le Conseil municipal »….. Le programme de Nancy avait fait naufrage.

Paris avait naturellement été l’objet d’une loi d’autant plus d’exception qu’elle avait été élaborée, votée durant la révolution communaliste. Il faut se hâter d’ajouter que, sauf de légères, très légères, pour ainsi dire insignifiantes retouches, l’organisation municipale de la capitale est resté celle dont la gratifia l’Assemblée la plus rétrograde, la plus haineuse qu’ait connue l’histoire parlementaire de notre pays. Ce ne sont cependant pas les revendications qui ont manqué.

Pas de mairie centrale, naturellement ; un Conseil municipal composé de quatre-vingts membres, un par quartier, élus au suffrage universel ; il fallait, avant la réforme de la loi électorale, avoir deux ans de domicile pour être électeur. Le Conseil municipal élisant son bureau sans pouvoirs effectifs ; le préfet de la Seine remplissant, sauf en ce qui concerne la police, le rôle de maire, tenant en tutelle étroite les élus du suffrage universel ; rôle contradictoire, source de permanents conflits.

Il était naturel, sinon légitime, que M. Thiers et les conservateurs de l’Assemblée nationale prissent toutes les précautions nécessaires vis-à-vis des communes, particulièrement de Paris, des grandes cités, des centres industriels, qu’ils limitassent autant que possible la sphère d’action de ces agglomérations où, le progrès et la propagande aidant, se pouvaient décider, expérimenter des réformes d’ordre social, d’ordre économique, capables de servir d’exemple et de créer ou d’activer de puissants courants d’opinion publique favorables à une rénovation politique et sociale. Voici, du reste, trente-deux ans que la République est sortie du provisoire pour entrer dans l’ordre légal et l’on peut, sans risque d’être contredit par des documents sérieux, affirmer que