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par une Assemblée librement élue, par une municipalité émanée de cette Assemblée et débarrassée de la tutelle étroite, oppressive, souvent onéreuse, fréquemment vexatoire du pouvoir central. À la Commune, le soin de ses intérêts propres ; au Conseil départemental, l’administration des intérêts départementaux ; à l’État, par l’intermédiaire des représentants du peuple, la gestion des intérêts généraux de la Nation. Briser le lien national, il n’en avait jamais été sérieusement question.

Or, durant l’Empire, le problème de la décentralisation avait été sérieusement agité, étudié de très près, dans la presse, dans des publications nombreuses. En 1863, s’était tenu, à Nancy, un Congrès spécial pour l’examiner. À ce Congrès avaient pris part des hommes appartenant aux partis les plus opposés quant aux principes politiques, mais tous appartenant à l’opposition, combattant le régime impérial, ayant par suite un grand intérêt à amoindrir l’action du pouvoir central et, de ce Congrès, où avaient siégé, côte à côte, des républicains, des orléanistes, des légitimistes, était sorti un programme n’énonçant que des principes généraux, vagues il est vrai, dégageant, toutefois, une orientation assez marquée. Il ne pouvait guère en être autrement ; à trop préciser, les divergences d’ordre politique eussent apparu, et l’accord n’eût pu se maintenir :

« 1o Fortifier la commune qui existe à peine, en rendant obligatoire, pour le pouvoir exécutif, le choix du maire dans la liste du Conseil municipal, et en enlevant à l’Administration la tutelle de la commune ;

« 2o Créer le canton qui n’existe pas administrativement ;

« 3o Supprimer l’arrondissement qui ne répond à rien ;

« 4o Émanciper le département. »

Mais, dès la tentative de mise en pratique, au mois d’avril, du programme de Nancy, fatalement le désaccord éclata et l’œuvre de décentralisation, qui avait rencontré de si nombreux partisans, se trouva, au moins en ce qui concernait la Commune, tellement complexe, tellement liée aux questions politiques les plus brûlantes qu’elle resta confinée dans la Commission spéciale ; elle y devait passer plusieurs années. Tout est encore à faire dans cet ordre d’idées et elle n’est pas près de surgir la solution conforme aux besoins de la démocratie républicaine-socialiste à qui elle permettrait de fécondes et démonstratives réalisations en matière économique et sociale.

Comme il était impossible de ne rien faire du tout, une loi avait été votée qui donnait à Paris l’organisation municipale dont il jouit et, à juste titre, se plaint encore aujourd’hui ; dont l’empreinte est si fortement centralisatrice. Au point de vue national, la loi avait organisé les municipalités sous deux régimes tout à fait distincts : tandis que dans les communes au-dessous de 6.000 habitants les conseils municipaux élisaient maires et adjoints, dans celles dont la population dépassait 6.000 habitants, la nomination des maires et adjoints était réservée au pouvoir central. C’était M. Thiers qui l’avait exigé, combat-