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point d’appui tout désigné pour nos escadres sur la route de nos colonies d’Extrême-Orient.

Ces polémiques, ces crises parlementaires, provoquées par la politique coloniale ne sont pas, il faut le dire, suscitées par le seul souci de la sécurité et de la grandeur de la France ; les divisions, les âpretés de la politique intérieure y jouent au rôle considérable, prépondérant, et la mauvaise foi y a sa grande part. La meilleure preuve qu’on en puisse fournir, c’est que tous les partis politiques se sont succédé au pouvoir depuis 1871 et que pas un n’a renoncé à la politique dite d’expansion, quand les circonstances l’ont placé à la direction des affaires. Les critiques ont été le fait d’une opposition transitoire, pas autre chose.

Ce qui était pour frapper l’opinion, en dehors des échecs éprouvés parfois et qui l’affolaient malgré leur peu de gravité, c’est que les courants de l’émigration française ne se portaient pas sur les nouvelles colonies, encore moins que sur les anciennes où la sécurité était assurée. Elle continuait de s’orienter vers l’Amérique, principalement vers la République Argentine. Pouvait-on espérer voir des colons s’expatrier pour s’établir sur la Côte occidentale d’Afrique, en Cochinchine, en Annam, au Tonkin, alors que ce n’était qu’à grand’peine que quelques-uns avaient consenti à se fixer en Algérie, en Tunisie, non loin des côtes de France, dans des régions assainies et riches ? Alors l’or et le sang français, au profit de qui les sacrifiait-on ? au profit d’étrangers, de rivaux économiques, plus actifs, plus entreprenants que nos nationaux peu soucieux, du reste, d’aller se heurter aux complications, aux tracasseries créées et soigneusement entretenues par les autorités militaires et civiles.

Les questions coloniales ne passaient pas sans entraîner des difficultés dans le domaine de la politique étrangère. La Tunisie provoquait un mouvement anti-français en Italie, il devait durer de longues années latine dans la Triplice. Le développement de la politique coloniale en Afrique, la pénétration progressive vers le Soudan et l’expansion en Extrême-Orient posaient la question d’Égypte, clé du Centre africain et par le canal de Suez, clé de la route maritime la plus brève, la plus sûre. Ce problème devait résoudre par l’établissement de l’Angleterre dans le pays des Pharaons ; par Gibraltar, Malte, l’Égypte, l’île de Chypre cueillie dans le règlement des affaires d’Orient, la Méditerranée devenait un « lac Anglais ».

À l’intérieur, où la politique s’exaspérait de plus en plus, où le Parti clérical faisait bloc contre les républicains divisés et s’entredéchirant, les réformes, néanmoins, s’entreprenaient et s’accomplissaient au moins en partie, telles la loi sur la réorganisation judiciaire et sur l’enseignement secondaire et primaire, mais il était fort difficile de les continuer avec méthode et esprit de suite, car les ministères se succédaient avec une rapidité extraordinaire. Puis, on voyait fréquemment des républicains, ou du moins des représentant se disant tels, combattre avec une obstination rare les projets ou propositions de