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CHAPITRE XXIX


Les divisions du Parti républicain. — Le Parti socialiste. — Anarchistes et radicaux. — Les cercles catholiques. — La politique coloniale. — Le cabinet Gambetta. — Réaction républicaine. — Le boulangisme. — L’affaire Wilson et la démission du président Grévy.


Jamais peut-être les polémiques de presse n’avaient eu autant de violence qu’au moment où M. Jules Ferry occupa la présidence du Conseil et durant les années qui suivirent, troublées par les crises les plus graves, les plus dangereuses pour la République. Les partis de réaction avaient, en fait sinon en apparence, renoncé à leurs projets de restauration pour le prétendant de leur choix. Au surplus, avaient-ils la sensation assez nette que leurs efforts resteraient vains devant la volonté catégoriquement exprimée du pays. Depuis la réunion du nouveau Parlement, depuis surtout leur dernière défaite sénatoriale, ils s’étaient unis sur le terrain de la défense de la religion, commun à tous. Leur but ? devenir les maîtres du pouvoir, sans se préoccuper de la forme qui lui serait donnée : leurs moyens ? tous ceux qui paraîtraient en rapport avec les circonstances et le moment. Agir sur l’opinion, l’ameuter contre le Parlement en mettant en relief les fautes commises ou le danger de certaines réformes en préparation ou en cours d’exécution ; profiter du moindre incident pour le transformer en scandale ; accuser le gouvernement de compromettre par sa faiblesse dans le domaine de la politique extérieure, par son imprudence dans la politique coloniale, la dignité de la France ou sa sécurité. M. Paul de Cassagnac libéré de sa fidélité bonapartiste par la mort tragique du prince impérial, avait donné la formule du nouveau parti conservateur « le n’importequisme » avec « n’importe qui » pourvu que « la gueuse en crevât ». L’action parlementaire réduite a des effets de tribune allait se doubler d’une active campagne dans le pays. Des républicains aveuglés par la passion politique, ou débordés d’appétits, allaient se faire les complices, les uns inconscients, les autres conscients et déterminés, de cette campagne qui, par trois crises profondes, va retarder l’évolution de la République et faire naître les plus graves complications.

Ce qui va faciliter singulièrement les entreprises du Parti conservateur, c’est la confusion extrême qui règne dans le Parti républicain. Les rivalités d’influence se sont accusées jusqu’à l’exaspération. La dictature morale exercée