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un glaçon placé au centre de la fournaise ; il n’y fondit pas, au contraire. Soit au fauteuil, soit à son siège de député, quand dans un moment de dépit dont on ne l’eût pas soupçonné capable, il eut donné sa démission, il était resté le même ; il ne changea pas durant sa présidence, montrant toutefois une grande fermeté en certaines circonstances ; pendant son séjour à l’Élysée, la chapelle ne s’ouvrit pas ; le clergé, sans oser l’attaquer de front, ne le lui pardonna pas. M. Jules Grévy fut, par excellence, le parfait représentant de la bourgeoisie républicaine.

Son message inaugural fut simple : « Soumis avec sincérité, portait-il, à la grande loi du régime parlementaire, je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels ». Au cabinet Dufaure qui s’était volontairement retiré, succéda un cabinet qui fut d’abord une déception. On s’attendait à voir M. Grévy appeler pour le constituer un homme politique en vue de ceux qui s’étaient très au premier plan, durant les incessantes batailles livrées par le parti républicain : M. Gambetta ou M. de Freycinet qui avait déjà pris une grande place dans le monde parlementaire. Il n’en fut rien. Ce fut M. Waddington qui reçut cette mission : l’ancien cabinet était peu modifié ; toutefois M. Jules Ferry prenait le portefeuille de l’Instruction publique et M. Le Royer celui de la Justice. M. Gambetta fut élu président de la Chambre.

On espérait voir le gouvernement nouveau, tout entier aux mains des républicains, inaugurer la décisive victoire républicaine par un acte de générosité, par une amnistie complète et sans réserve. Un projet fut à la vérité déposé par le ministère, mais il était très restreint, puisque l’amnistie n’était accordée qu’aux condamnés déjà graciés et devant être graciés par le président de la République dans le délai de trois mois promulgation de la loi. Décidément la République se montrait plus indulgente envers les fauteurs de coups d’État qu’envers les révolutionnaires républicains. M. de Marcère, alors qu’il était ministre de l’Intérieur, n’avait-il pas annulé une délibération du Conseil municipal de Paris, allouant une somme de mille francs à un des comités qui s’étaient formés pour recevoir les amnistiés ? L’amnistie était plus qu’espérée, escomptée ?

Par contre, après une discussion fort vive, la proposition de loi relative à la mise en accusation des ministres du 16 mai se terminait par une simple flétrissure !

Le scandale provoqué par les articles du « vieux petit employé » (M. Yves Guyot) sur les agissements politiques et privés de la police, avait amené la retraite de M. de Marcère qui eut pour successeur M. Lepère et l’avènement à la Préfecture de M. Andrieux, qui devait se montrer l’homme versatile et fantaisiste qu’il a toujours été jusqu’au jour où, ayant lassé tous les partis, il n’exista plus politiquement.

Le 18 juin, le Parlement se réunit en Assemblée nationale pour réviser dans