l’impunité reste assurée aux conspirateurs bonapartistes, à ceux qui ont préparé un coup d’État militaire.
Les socialistes arrêtés ne se découragent pas ; de toutes parts les témoignages de sympathie leur viennent. Le Congrès qui n’a pu être tenu salle des Entrepreneurs, se tiendra en police correctionnelle ; sa publicité en sera plus forte, plus retentissante. Les socialistes viennent de défendre, aux côtés des républicains, la République menacée par la coalition réactionnaire, aux deux groupes d’adversaires aujourd’hui coalisés contre eux, les socialistes diront les motifs réels, sociaux, de leur union en apparence monstrueuse.
Le 22 octobre s’ouvre le premier procès contre le socialisme ressuscité de la cendre des fusillés de Mai. De ces débats qui devaient exercer sur la propagande des idées une si grande influence, nous ne retiendrons pas le réquisitoire du ministère public, brodé au nom de l’« ordre républicain » sur la vieille, classique trame jadis en service parmi les procureurs royaux et impériaux : le titre du gouvernement seul y était changé et nous regrettons que l’espace ne nous permette de parler que de la défense collective présentée par Jules Guesde ; elle fut, du reste, remarquable de tous points, tant au point de vue de l’exposition claire, précise, démonstrative, des idées collectivistes que du tour entraînant, ironique, émouvant de la forme. Au rôle de la bourgeoisie se substituant à la vieille aristocratie française, il opposa le rôle du prolétariat se plaçant sur le terrain de la lutte des classes pour la conquête du pouvoir politique et économique, pour la transformation du régime propriétaire d’individuel, de féodal, en régime propriétaire collectif, seule condition d’affranchissement complet de la masse qui, par son travail, est la créatrice de la richesse sous toutes ses formes : « Le premier usage, déclara-t-il, que fit de sa victoire le Tiers-État, de rien devenu tout, ce fut d’abolir le droit d’aînesse, ce fut, pour me servir d’une expression de Gambetta, de faire disparaître cet attentat qui consistait à dépouiller les uns au profit d’un seul, dans les familles, pour satisfaire l’orgueil de la race, et d’appeler tous les membres de la communauté à une part égale dans le patrimoine commun.
« Or, nous ne poursuivons pas autre chose.
« Nous voulons, à notre tour, faire disparaître cet attentat plus énorme, qui consiste à dépouiller dans la société le plus grand nombre au profit du plus petit, pour satisfaire l’oisiveté de quelques-uns.
« Si la substitution de la famille égalitaire à la famille féodale d’autrefois était commandée par l’équité, comment la substitution de la société égalitaire à la société féodale d’aujourd’hui pourrait-elle ne pas l’être ? »
Une grande majorité des prévenus tint à faire des déclarations et elles furent d’une grande netteté. Comme tout portait à le prévoir, des peines d’emprisonnement, quelques-unes fort sévères, furent prononcées avec l’escorte obligée des amendes et des frais. Le Congrès, dont la première phase s’était déroulée devant le tribunal correctionnel, devait se poursuivre dans le pavillon de la