Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/226

Cette page a été validée par deux contributeurs.

celle qui resterait docile à l’orientation autoritaire de Gambetta ; l’Extrême-gauche à côté de laquelle, dans quelques années, les représentants du parti socialiste-révolutionnaire devaient prendre place.

M. de Freycinet, dont le rôle dans l’organisation des forces militaires rassemblées ou levées après le 4 septembre avait été si considérable, à peine installé au ministère des Travaux publics, procédait à l’exposition et à l’exécution d’un plan de grands travaux qu’il avait étudié et mûri. La première étape était la constitution d’un réseau de l’État par le rachat des chemins de fer secondaires du Centre et du Sud-Ouest, dont la situation était devenue difficile ; deux étaient en pleine déconfiture. Le plan des grands travaux projetés par M. de Freycinet se chiffrait par une dépense globale de 4 milliards répartie sur une période de douze années. Il fut vivement combattu ; le gros mot de « socialisme d’État » fut même prononcé par les adversaires. À constater les conditions dans lesquelles furent littéralement militarisés et rétribués les travailleurs et employés subalternes qui en assurent l’exploitation, il apparait que le terme était vraiment exagéré !

M. Léon Say, ministre des Finances, en vue d’assurer les moyens financiers d’exécution de ce vaste plan, créa un nouveau type de rente, le 3% amortissable en 75 ans, malgré l’argumentation très serrée que lui opposa M. Rouvier.

Enfin, le Parlement s’attacha à l’étude de questions militaires importantes, telles que la constitution de l’état-major et la loi sur les sous-officiers. Pour l’état-major, jusqu’alors corps fermé, recruté par la voie d’une école spéciale et qui avait donné de si manifestes preuves d’incapacité durant la guerre, une loi fut votée qui en faisait un corps accessible à tous les officiers munis du brevet spécial ; l’école supérieure de guerre fut réorganisée. L’état-major fut formé de 455 officiers et de 180 archivistes. Ce projet fut naturellement combattu par les représentants de la vieille armée, qui n’avaient pas compris, quoiqu’ils eussent subi ses cruels effets, la forte et logique organisation de l’état-major allemand.

Puis, fut votée une première loi sur les sous-officiers destinée à les retenir le plus possible dans l’armée, par l’appât de primes de rengagement, par une haute paye et une retraite. Le corps des sous-officiers fut augmenté par la création des adjudants de compagnie. C’était le drainage qui se préparait de la jeunesse la plus active et la plus instruite du pays, au profit de l’armée et au détriment du travail, particulièrement du travail agricole, sans donner aux corps de troupes la force qu’on en espérait.

Le Parlement s’occupait de l’instruction primaire, reconnue par les républicains si nécessaire si indispensable ; mais il n’allait pas oser encore aborder de front et résoudre le problème de l’instruction laïque, gratuite et obligatoire. Cependant, c’était un des articles les plus saillants du classique programme républicain et n’était-il pas urgent d’arracher la jeunesse française aux nombreux congréganistes qui, dans toutes les régions du territoire, sans