composés d’éléments différents qui bientôt allaient se réunir pour former le Parti ouvrier socialiste : Le Prolétaire et L’Égalité. Le premier portait en sous-titre, journal républicain des ouvriers démocrates-socialistes. Le Prolétaire était né des deux Congrès de Paris (1876) et de Lyon (1877), de ce dernier particulièrement où, pour la première fois, avaient été présentées les idées socialistes, telles que l’organisation des travailleurs en un parti politique distinct, la socialisation des moyens de production, la répartition équitable des produits du travail, etc….. À la vérité, les socialistes n’y avaient figuré que comme minorité, mais on les avait écoutés, sans trop s’irriter et c’était déjà un grand progrès fait pour inquiéter leurs guides habituels qui sentaient venir le moment où les groupements ouvriers, même purement professionnels, allaient échapper à leur influence vraiment par trop modérée. La partie active du prolétariat, lentement mais sûrement, s’arrachait à sa torpeur. Parmi les rédacteurs du Prolétaire figuraient des ouvriers intelligents, studieux, actifs, dévoués et énergiques, quand l’occasion s’en présentait : Chabert, Prudent-Dervillers, Eugène Fournière, Paulard, un instituteur, A. Lavy, et tant d’autres qui collaboraient au journal tant par la plume que par leur modeste obole. Chaque rédacteur se doublait d’un conférencier et tous déployaient une activité merveilleuse, supportant fatigues, attaques, calomnies, privations avec un courage rare et une grande simplicité. Une grande union existait parmi tous ces militants dont l’œuvre fut considérable, entreprise qu’elle était entre tant de difficultés et de périls de toute nature.
Parallèlement au Prolétaire, s’était créée l’Égalité, hebdomadaire. C’était à la fois un journal de combat et de doctrine ; fondé par Jules Guesde qui revenait d’exil, avec l’aide de quelques amis, il représentait les idées de Karl Marx. Quelques semaines après sa fondation, il comptait comme collaborateurs : Gabriel Deville, Brugnot (de Lyon), E. Ferroul, John Labusquière, Paul Lafargue, Victor Marouck, qui devait y publier sa belle étude sur les journées de juin 1848, Émile Massard, Benoît Malon, établi à Lugano en attendant l’amnistie. Il avait des correspondants un peu partout : en Allemagne, Liebknecht et Most ; en Angleterre, J.-B. Clément ; en Belgique, César de Paëpe, le théoricien des services publics ; aux États-Unis, Eugène Dupont, de l’Internationale ; en Italie, A. Costa, Gnocchi-Viani, Nabruzzi, Zanardelli ; pour la Russie, un ex-rédacteur d’un journal socialiste russe. Inutile de dire que pour l’Égalité comme pour le Prolétaire, toutes les collaborations étaient gratuites, et que, fréquemment, il advint qu’un rédacteur paya le papier pour le tirage ou les timbres pour l’expédition. Dans l’Egalité, Jules Guesde publiait régulièrement un article étincelant de forme, serré d’argumentation, dans lequel il développait un des points essentiels de la doctrine marxiste, dont il devait être le propagateur le plus ardent, le plus actif et le plus efficace, et sous son action, sous celle de ses collaborateurs, les groupes d’études sociales se formaient, se fédéraient à Paris et en province.