Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/208

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nouvelle Exposition universelle internationale, la France affirme sa confiance dans les institutions qu’elle s’est données… ; elle proclame qu’elle veut la paix. » Enfin, l’état de siège était partout levé. On commence à épurer un peu l’administration préfectorale ; cinq préfets, parmi les plus compromis, sont destitués, trois sont mis en disponibilité, quatre sont admis à faire valoir leurs droits à la retraite, on n’eut pas cru le ministère Dufaure capable d’un tel effort ! bientôt un second mouvement complétait l’entreprise.

Mais voici que M. Ricard, ministre de l’Intérieur, qui, quoique fort modéré, représente l’élément le plus républicain et le plus énergique du cabinet, meurt subitement ; il est remplacé par M. de Marcère, d’un ton encore plus pâle, résolument constitutionnel cependant. C’est lui qui répond à une interpellation de M. de Franclieu au Sénat sur la révision, car les monarchistes n’ont pas encore perdu tout espoir. Il le fait avec habileté, souplesse, posant la question de révision en demeurant dans le sens républicain. Puis vient en discussion un projet de loi déposé par le ministre de l’Instruction publique sur la liberté de l’enseignement supérieur ; il s’agit de la collation des grades qu’il importe de réserver à l’État et d’entourer d’un « contrôle efficace et sévère ». Après un important débat auquel prennent part MM. Spuller, rapporteur, Paul de Cassagnac, P. Deschanel, Keller, Waddington, de Mun, Jules Ferry, la loi est adoptée par la Chambre. Presque immédiatement le Sénat, afin de marquer son rôle, sa puissance, comme une réponse à la majorité républicaine, nomme M. Buffet sénateur inamovible à la place de M. Ricard. On sent que la Chambre haute va servir de point d’appui au maréchal qui se laisse effrayer, conduire par les conservateurs royalistes. Tandis que les droites et l’Élysée reprennent courage, le parti républicain se fractionne à propos de la loi des maires ; M. Jules Ferry se sépare de Gambetta ouvertement et se rapproche du centre-gauche, alors qu’à l’autre aile l’extrême-gauche accentue son intransigeance, soutenue par une presse qui se développe, et, malgré de nombreux procès, mène une énergique et active campagne contre la réaction et l’opportunisme. Le duc de Broglie redevient le chef de l’opposition ; c’est lui qui va grouper les forces au Sénat et les conduire au combat.

En dehors du Parlement, une grande activité se manifestait partout. Paris faisait des obsèques émouvantes à Michelet, obsèques civiles, escortées d’un grand déploiement de police ; c’était le libre penseur, l’historien passionné de la Révolution française que les républicains honoraient en formant un grandiose cortège à ses restes revenus d’Hyères. Le clergé ne cessait de s’agiter en faveur du pape Pie IX, prisonnier volontaire au Vatican ; il s’indignait publiquement de la transformation en ambassade de la légation de Rome ; l’évêque Pie, à Reims, excitait le maréchal à prendre en mains la cause sacrée de la religion catholique qui primait toutes les questions. Le maréchal accomplissait des voyages militaires suivant l’armée aux manœuvres, voyant de près les généraux parmi lesquels figuraient le duc d’Aumale rétabli dans son grade et