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Il était impossible de conserver une Constitution aussi bâtarde qui ne pouvait que fournir des armes dangereuses aux ennemis avérés ou masqués de la démocratie. C’était la politique radicale, intransigeante, opposée à la politique opportuniste. MM. Alfred Naquet, Bonnet-Duverdier, Louis Blanc, Clemenceau, Floquet, Barodet, Lockroy, Madier de Montjau, Henri Brisson, etc…., en étaient les protagonistes les plus en vue.

Dans le XVIIIe arrondissement de Paris, M. G. Clemenceau, alors président du Conseil municipal, déclarait : « Les républicains conservateurs demandent à la République son minimum, nous son maximum. Nous, les républicains radicaux, nous voulons la République pour ses conséquences naturelles : les grandes et fécondes réformes sociales qu’elle entraîne… Il ne s’agira plus que de savoir s’il faut accélérer ou ralentir notre marche en avant dans l’accomplissement, depuis si longtemps poursuivie, de la réorganisation démocratique et sociale de la Société française. »

M. A. Naquet, dans un discours prononcé à Marseille où sa candidature était opposée à celle de M. Gambetta, disait : « J’ai voté la Constitution, je le regrette, mais les affirmations des négociateurs de la gauche, auxquelles j’ai dû ajouter foi, ne me permettent pas de juger autrement ; nous avons aujourd’hui la monarchie sans le monarque, ou plutôt avec un monarque élu, non héréditaire, il est vrai, mais rééligible. — Gambetta et ses amis sont dans l’ornière constitutionnelle ; qu’ils y restent puisqu’ils le jugent utile, qu’ils représentent l’élément républicain conservateur. Mais il faut constituer en dehors d’eux un groupe d’avant-garde de combat démocratique. »

M. Louis Blanc, lui, dans sa profession de foi, tout en rappelant les principes essentiels du programme républicain, tout en proclamant la souveraineté du peuple sans restrictions, tout en affirmant que la République est l’amélioration du sort de tous et que le cléricalisme est le véritable péril social, se montrait plus conciliant. Candidat dans le Ve arrondissement de Paris, il faisait appel « à l’union de toutes les forces républicaines qui, seules, sont véritablement conservatrices ».

L’action des radicaux, peu favorisée par la presse, les journaux qui soutenaient leur politique étaient traqués par les parquets et assaillis de prison et d’amendes par les tribunaux, gênée par les défiances suscitées contre eux, car, fréquemment, les opportunistes les assimilaient aux pires ennemis de la République, fut toutefois assez féconde, puisque 98 sièges furent conquis par leurs candidats.

À Paris, s’était formé un Comité composé de jeunes étudiants et de quelques ouvriers qui avaient pris part à la Révolution du 18 mars et avaient réussi à se soustraire aux poursuites. Il avait posé, dans le VIe arrondissement, la candidature d’Émile Acollas, professeur libre de droit, homme éminent, d’idées fort avancées en matière politique, philosophique et législative. Son programme comportait une série de réformes classiques du programme de l’Extrême-