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vant le principe énoncé par le programme de l’Internationale, en un parti de classe distinct ; qu’il conquière, comme parti de classe, le pouvoir politique qui permettra d’opérer ― pacifiquement ou révolutionnairement, suivant les circonstances ― tout ou partie de la transformation du régime propriétaire. Donc, sur le terrain politique, de même que sur le terrain économique, constitution d’un parti distinct qui combattra tous les partis politiques bourgeois. Puis, nécessité pour le prolétariat de divers pays de se fédérer pour former un grand parti international.

Telles étaient les grandes lignes du programme des premiers propagandistes ; souvent, l’exposition manquait de clarté, parfois de tact et provoquait de vives résistances, des réfutations qui produisaient grand effet dans la classe ouvrière tenue en grande défiance. Cependant, parmi les syndicats ouvriers, la semence ne restait pas sans germer. Peu à peu la doctrine allait se préciser et en se précisant faire de précieux adhérents, mais les progrès du socialisme devaient être ralentis par les crises politiques à l’intérieur et les complications graves de la politique extérieure.

Le danger bonapartiste était apparu lors des élections de la Nièvre et du Nord ; le document produit par M. Girerd avait vivement frappé les esprits, et les déclarations de M. Léon Renault, préfet de police, avaient révélé que la faction césarienne avait pu trouver des complices jusque dans l’entourage du maréchal-président. Or, la conspiration n’était plus douteuse depuis le 25 février. Au cours de la séance dans laquelle la Constitution avait été adoptée, M. Savary, au nom de la Commission d’enquête, avait fait juge l’Assemblée nationale de l’étrange, inquiétante altitude du ministre de la justice M. Tailhand, qui se refusait à lui donner communication de l’enquête judiciaire et, à son rapport, M. Savary avait annexé le rapport si concluant du Préfet de police. La conspiration était indéniable ; elle avait une organisation solide ; des ramifications partout ; elle exploitait auprès des masses campagnardes cette idée que le maréchal de Mac-Mahon « devait ramener le prince impérial sur le trône ». On était prêt à agir, quand l’heure paraîtrait propice. Il faut noter que dans la note du Préfet de police, il était question d’une certaine action des Comités bonapartistes concertée avec des socialistes, soit de Paris, soit parmi les proscrits. Chaque parti compte ses imprudents et, sans doute, y avait-il du vrai dans la note du Préfet de police, mais en général elle était fausse à ce point de vue car le parti socialiste est républicain par essence, par principe, et il a trop souvent lutté contre le pouvoir personnel, contre le césarisme, pour que de telles accusations soient exactes. Il y avait là un élément de polémique dont devait largement user le parti républicain bourgeois contre le parti socialiste renaissant, avec la mauvaise foi qui, trop fréquemment, les luttes politiques.

Le maréchal de Mac-Mahon dans l’obligation de constituer un nouveau ministère ; le Cabinet de Cissey avait subi trop d’échecs pour qu’il put