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CHAPITRE II


Au lendemain de la victoire conservatrice. — La défense sociale. — Situation des partis. — M. Thiers.


Au lendemain de la victoire, l’Assemblée nationale, après avoir voté d’unanimes remerciements à l’armée qui venait de la protéger et, pensait-elle, de la débarrasser pour longtemps du « spectre rouge », se trouva fort embarrassée. De gros problèmes à résoudre et une orientation politique à chercher, c’est-à-dire une forme de gouvernement adéquate aux aspirations de sa majorité. La tâche fut menée parallèlement, mais dans les conditions les plus chaotiques, les plus incertaines. La pensée dominante était la « défense sociale » et l’outil de cette défense ne pouvait se rencontrer que dans un pouvoir solidement établi, fort, résolu et bien protégé, c’est-à-dire capable de gouverner à l’intérieur, de négocier à l’extérieur.

Une commune pensée, un but bien déterminé unifiaient les différentes fractions composant la majorité, maîtresse souveraine, arbitre des destinées des cabinets chargés de l’exécution des lois que, nombreuses, elle s’apprêtait à forger, comme on forge des chaînes. Tour la réalisation de ces hautes intentions, il n’y avait qu’un obstacle : le choix des moyens et l’entente pour ce choix. Les moyens c’étaient la forme et le caractère d’un gouvernement à donner à la France. La république, qui avait eu la grande mais lourde mission de liquider la sanglante faillite du régime impérial, n’avait pu réussir à délivrer le pays de l’invasion ; en outre, elle était issue d’une journée révolutionnaire, fiévreuse, mais calme, calme jusqu’à la duperie. Crimes impardonnables. On ne la tolérait que parce qu’elle représentait le provisoire, et que le provisoire favorisait toutes les conjurations, autorisait toutes les espérances : elles étaient variées, fréquemment disparates et antagoniques.

Légitimistes, tenant pour la pure tradition monarchique, s’employaient avec une activité rare à préparer une restauration au profit du comte de Chambord ; c’était le retour de la vieille monarchie française, vaguement amendée d’un modernisme vieillot, avec sa Charte, ses fleurs de lys, son drapeau blanc, ses cohortes cléricales et sa haine, toujours vivace, de la branche cadette et du progrès.

Orléanistes, tenant pour la branche cadette avec sa Charte élargie en Constitution, plus teintée de libéralisme, d’allures rajeunies, offrant des garanties sérieuses à la bourgeoisie capitaliste, avec le drapeau tricolore des trois glorieuses, des souvenirs militaires d’Afrique, mais aussi des souvenirs d’atti-