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déclara-t-il en se tournant vers les républicains, de ce côté de la Chambre, de nouveaux projets qui permettront peut-être de résoudre le problème redoutable posé devant nous ». Ces paroles contribuèrent à apaiser les esprits. Toutefois, il fallait s’y attendre, la proposition de dissolution déposée par M. H. Brisson fut repoussée à une majorité de 433 voix sur 647 votants.

Le moment était grave. Si tous les partis avaient la haine des bonapartistes, tous en avaient peur ; leur activité était vraiment pour les inquiéter tous. La conspiration était évidente : le préfet de police n’avait plus de doutes à ce sujet ; une enquête approfondie lui en avait fourni les preuves certaines. Tout se préparait en vue d’un coup de main militaire ; des généraux, des officiers supérieurs et subalternes, en activité de service, mettaient leur épée et leurs troupes au service des conspirateurs ; on affirmait même que des recrues avaient été faites jusque dans l’entourage immédiat du maréchal. Il faut toutefois reconnaître que celui-ci, malgré les sollicitations directes ou indirectes dont il était constamment assiégé, paraissait décidé à ne pas sortir des attributions qui lui étaient légalement assignées : c’eût été manquer à ses engagements, à la loyauté ; c’est poussé par ce sentiment qu’il repoussa énergiquement un véritable projet de Coup d’État parlementaire dû à quelques députés assez obscurs mais qui, sans les craintes inspirées par les agissements bonapartistes, auraient pu rallier d’assez nombreux partisans, tant il restaurait et confirmait le provisoire. Ce projet ne tendait à rien moins qu’à donner au maréchal des pouvoirs personnels très étendus tels que le droit de veto, le droit de dissolution de l’Assemblée suivante qui se renouvellerait par échelons. Les premières mesures devaient être la constitution d’un ministère prenant pour base l’orientation du 24 mai, la concentration des divers éléments de droite avec une politique nettement monarchiste. Naturellement le premier acte du cabinet devait être le retrait des lois constitutionnelles !

Le maréchal s’étant refusé à ce Coup d’État, il ne restait plus qu’à poursuivre l’élaboration des lois constitutionnelles ; la constitution d’un nouveau ministère paraissait indispensable et urgente. M. de Broglie est appelé dans ce but, mais il refuse. C’est le vendredi 19 février, après des conciliabules, des réunions de groupes, qu’est né un accord d’où sort une majorité, que le projet Wallon est distribué. Il détaille l’organisation du Sénat, nous ne reproduirons pas le texte de ce projet, il est trop connu et il n’a varié que par la suppression, par voie d’extinction, des 75 sénateurs inamovibles élus par l’Assemblée nationale. Dans une réunion plénière des gauches, M. Jules Grévy le combat ; il reste fidèle à son amendement de 1848. Dans une réunion de l’Union républicaine le projet est soutenu par MM. Gambetta, Jules Ferry et Corne, mais MM. Edgar Quinet, Louis Blanc, Madier de Montjau le combattent énergiquement au nom des principes républicains, au nom du programme traditionnel ; ils le combattront jusqu’au bout et se refuseront à le voter, malgré les supplications de leurs meilleurs amis.