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à l’Assemblée nationale activèrent singulièrement les progrès du parti républicain.

Quelle était la situation du parti socialiste ? Nous l’avons déjà indiquée : il n’en restait que des débris, « ruines ou semences », qui eût osé se prononcer ? Ses éléments réellement actifs avaient disparu en partie : pour toujours ceux qu’avait emportés la tourmente, momentanément ceux qu’elle avait dispersés dans les prisons, en attendant de les envoyer soit au poteau d’exécution, soit en Nouvelle-Calédonie, soit sur les chemins douloureux de l’exil ; le reste se taisait, guetté par la police ou les dénonciations anonymes. Si quelques audacieux essayaient d’élever la voix pour l’apologie, si timide fût-elle, simplement expliquer les causes réelles de la Révolution du 18 mars, ils étaient honnis par les uns, suspects aux vaincus survivants, qui les prenaient pour des agents provocateurs ou des espions.

Les querelles retentissantes qui, en exil, divisaient les proscrits, n’étaient pas pour encourager et, dans ces divisions, cependant atténuées par l’éloignement, on retrouvait en grande partie les causes de la défaite. Puis, n’était-ce pas pour donner à réfléchir que l’évocation de cette armée révolutionnaire, bien outillée, comptant, au début, des bataillons par centaines et progressivement fondant à tel point que quelques milliers de combattants à peine se rencontraient pour combattre une force militaire solidement organisée, d’autant plus résolue à vaincre qu’elle avait à faire oublier de lamentables défaites essuyées au contact de l’étranger envahisseur ?

Et, cependant, avec une rapidité inattendue, dans les grands centres d’abord, malgré une surveillance rigoureuse, une répression judiciaire active, malgré les calomnies répandues et les sinistres légendes, parmi les travailleurs l’idée socialiste reparût, timide, enveloppée, hésitante chez la plupart, nette, courageuse chez quelques-uns. L’attitude des partis de réaction avait fait comprendre que, même vaincue, la Commune avait sauvé la République ; que, protestation contre ceux qui, après n’avoir su ou voulu défendre Paris, l’avaient livré, elle constituait la manifestation éclatante d’un haut sentiment patriotique et il n’en fallut pas davantage pour dégager la Révolution des obscurités malveillantes dont on s’attachait à l’envelopper. La répression avait été trop implacable ; les vainqueurs imprévoyants avaient dépassé le but ; l’horreur et la pitié allaient se manifester d’autant plus que les débats devant les Conseils de guerre allaient redresser bien des erreurs, détruire bien des calomnies et que, la tranquillité assuré, les échos de Satory allaient encore, longtemps après Mai, répercuter le crépitement des pelotons d’exécution.