Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/168

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Article premier. — Le pouvoir législatif s’exerce par deux Assemblées : la Chambre des députés et le Sénat.

« La Chambre des députés est nommée par le suffrage universel, dans les conditions déterminées par la loi électorale.

« Le Sénat se compose de membres élus ou nommés dans les proportions et aux conditions qui seront réglées par une loi spéciale ».

Un contre-projet présenté par M. Alfred Naquet, qui siège à l’extrême-gauche, est d’abord repoussé ; il comporte une Chambre unique, le pouvoir exécutif exercé par un président du Conseil des ministres responsable devant la Chambre, les ministres choisis en dehors de la Chambre ; révision par une Constituante ; la nouvelle Constitution soumise à la ratification du suffrage universel. C’était une préface à l’organisation du gouvernement direct. Puis, un amendement est présenté, il vient du centre-gauche : le bruit circule qu’il a été inspiré par M. Thiers. C’est M. de Laboulaye qui le soutient. Il est simple de texte mais caractéristique, car il précise la forme du gouvernement :

« Le gouvernement de la République se compose de deux Chambres et d’un président ». Le discours de M. de Laboulaye produit une forte impression, car il fait appel au patriotisme et à la sagesse de l’Assemblée ; il faut sortir du provisoire, telle est sa thèse dominante ; ce n’est qu’à cette condition que l’on conjurera une situation diplomatique délicate, grave ; que l’on donnera confiance au pays ; que l’on enrayera les progrès du parti du désordre qui se reconstitue. On devait voter, quand M. Louis Blanc demanda la parole. Une formidable clameur s’élève contre lui ; on le presse de descendre de la tribune ; on le menace, mais il persiste dans son projet de parler sur la position de la question. Ses amis et lui ne peuvent voter l’amendement, parce que la République ne peut être mise en question ; parce qu’ils sont contre la création d’une seconde Chambre et contre la présidence de la République.

« J’entends, déclara-t-il, il faut, en égard à l’état des partis dans l’Assemblée, être sage, très sage… Il faut savoir comprendre que la politique vit de transactions et de compromis : il faut ne rien négliger pour gagner à la République les esprits les plus prévenus et les âmes effarouchées ; il faut se hâter vers la dissolution de l’Assemblée en évitant toute querelle, et cela coûte que coûte.

« A ces considérations, dont je ne méconnais pas la portée et qui sont dictées par un sentiment que je respecte, je voudrais pouvoir me rendre ; je l’essaye en vain.

« Sacrifier à je ne sais quelles combinaisons éphémères de couloir l’intérêt permanent, l’intérêt suprême de la paix publique dans l’avenir, n’est-ce pas faire passer la petite sagesse avant la grande.

« Serait-ce un compromis dont des républicains auraient lieu d’être satisfaits, que celui qui consisterait, de leur part, à tout donner sans rien recevoir, et, de la part de l’autre contractant, à tout recevoir sans rien donner ?… ou, si