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M. de Carayon-Latour et de M. Lucien Brun réclament, proposent la restauration de la vieille monarchie française et dressent contre les orléanistes des réquisitoires, même plus violents que contre la République ; le centre-droit, dont M. de Meaux se fait le porte-parole, se cramponne désespérément au maréchal de Mac-Mahon transformé en homme providentiel et au Septennat ; le duc de Broglie, dans un discours où tour à tour éclatent son dépit et son embarras, lance un appel pressant à la conciliation entre les éléments vraiment conservateurs. « J’espère, dit-il en concluant, que nous pourrons trouver ensemble un terrain de conciliation sur lequel nous établirons un gouvernement régulier, pacifique, inspirant confiance au pays ».

Le parti bonapartiste, à son tour, entre en ligne avec M. Raoul Duval qui exécute une virulente charge contre le duc de Broglie dont il met à jour toute la duplicité, et M. Bérenger prend position, comme M. Lenoël, au nom du centre-gauche, pour un gouvernement définitif, la République, contre le provisoire du septennat, contre le provisoire si dangereux que confirme le projet de la Commission. Puis, c’est M. Jules Favre, l’ancien ministre des Affaires étrangères, qui sort du silence auquel il s’était condamné depuis de longs mois, pour parler au nom de la République, à laquelle il a fait tant de mal depuis le 4 septembre, dont il a contribué à faire fusiller, emprisonner ou exiler les plus vaillants défenseurs, et son discours, superbe de forme, d’une violence froide, tour à tour hautain, ironique ou menaçant, soulève les droites en des mouvements tumultueux, d’une violence inouïe : « Le pouvoir est tombé dans vos mains, dit-il, vous vous êtes intitulés conservateurs ; qu’avez-vous conservé ? Bien que je sache, si ce n’est les traditions impériales pour les restaurer, les perfectionner et les aggraver ; l’arbitraire de l’état de siège ; tout le cortège des lois exceptionnelles… Vous n’avez su faire que la réaction, vous qui étiez arrivés, ayant aux lèvres le mot de liberté. Laissez donc la place à la souveraineté nationale, puisque vous lui avez manqué ! »

M. Bocher lui succède ; il est l’homme de confiance de la ramille d’Orléans ; il est un des chefs les plus habiles et les plus autorisés du groupe le plus nombreux, le plus important de la droite. Il parle contre la République, « régime de désordre et de sang, qui par trois fois a été funeste à la France ». Enfin, le débat s’épuise et se clôt, la lassitude, l’énervement aidant, et par 538 voix contre 145, l’Assemblée vote le passage à une seconde délibération. Il se produit comme une accalmie durant la discussion relative au Sénat, à sa constitution et à ses attributions. Malgré l’opposition d’une notable fraction du parti républicain, de M. Gambetta, de M. Jules Simon lui-même qui déclare que jamais ses amis et lui ne voleront la création de la seconde Chambre, le principe en est voté. À la fin du mois de janvier, les 28, 29, 30, figure à l’ordre du jour la seconde délibération sur le projet de M. de Ventavon relatifs l’organisation des pouvoirs publics :