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126 avaient été attribués aux candidats républicains, 22 aux candidats royalistes et 10 aux candidats bonapartistes. Or, les programmes républicains étaient nets sur trois points essentiels : l’Assemblée n’a pas le droit de constituer ; elle doit se dissoudre pour faire place à une Constituante ; le gouvernement de la République doit être définitivement proclamé et organisé.

A ces manifestations électorales venaient s’ajouter celles causées par le renouvellement triennal des conseils généraux (4 octobre 1874) et des conseils municipaux (22 octobre). Celles-ci avaient leur importance, en raison du rôle prépondérant que jouent les questions locales et l’influence personnelle des candidats. Or, dans toutes, ce fut le parti républicain qui, seul, affirma ses constants progrès. Sur 1.426 conseillers généraux, les républicains en comptaient 666 ; les monarchistes, perdant quarante sièges environ, restaient 604 ; les bonapartistes gagnaient quelques sièges sur leurs intermittents alliés et avaient 156 de leurs candidats élus ; la moitié des conseils généraux, 43, élisaient des présidents républicains.

Sur le terrain municipal, le succès républicain fut encore plus marqué ; en effet, les municipalités nommées par le gouvernement, par application de la loi communale votée dans un but si évidemment électoral, étaient balayées par le suffrage universel et remplacées par des municipalités républicaines. Les grandes villes donnèrent l’exemple ; à Paris, les conservateurs ne recueillaient qu’une minorité de 10 sièges ; c’était une défaite soulignée par l’accroissement du nombre des conseillers radicaux qui devinrent majorité dans la majorité républicaine. Les marseillais, eux, nommèrent un Conseil municipal à tendances socialistes ; les effets de la propagande commençaient à se faire sentir.

Les conservateurs, malgré leurs insuccès électoraux, ne se décourageaient cependant pas et usaient de tous les procédés en leur pouvoir pour ramener à eux l’opinion. Le ministère fit exécuter quelques voyages au Président de la République avec l’espoir qu’un accueil enthousiaste serait fait au soldat intrépide de Malakoff ; au général qui, à Magenta, par une manœuvre plus instinctive que raisonnée, avait sauvé l’armée impériale d’une grave défaite. L’accueil fut sans doute respectueux mais très froid ; presque partout, population et municipalité lui firent entendre des vivats républicains et des avis ou des revendications qu’il n’était pas habitué à entendre dans son entourage. Comme sous ses dehors militaires faits de brusquerie et de laisser-aller d’allure paternelle, se cachaient une grande timidité et de grandes incertitudes, le maréchal de Mac-Mahon fut fortement impressionné par l’attitude d’une France qu’il ignorait. Cette France ne voulait pas « marcher » sous la férule de gouvernements de combat ; elle avait la haine de la monarchie, la peur des curés ; elle voulait la stabilité et la paix avec la République. Ces manifestions n’avaient pas passé sans avoir frappé le président jusqu’à ce jour peu mêlé à la politique active et parfois, au grand dépit de son entourage, il s’était laissé entraîner à