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CHAPITRE XXII


Rôle passif du Président. — Impuissance politique du Cabinet de Broglie. — Le Spectre du Radicalisme. — Déclaration du Maréchal de Mac-Mahon. — Dépit des Monarchistes. — Ministère de Fourtou. — Conspiration bonapartiste. — Le Parti des « Misérables ». — La Loi municipale et le Suffrage universel.


Autant avait été actif le rôle du chef du Pouvoir exécutif, quand M. Thiers, même bridé par la sous-constitution Rivet l’exerçait, autant il devait devenir passif, purement représentatif avec le maréchal de Mac-Mahon. C’était là, précisément, le plan de ceux qui avaient préparé et réalisé son élection. Malgré la différence du dosage, tous les partis conservateurs étant représentés dans le cabinet, chacun d’eux conservait toutes ses espérances et avait un intérêt majeur à ne rien laisser de définitif se constituer, le provisoire leur apparaissant le plus favorable champ de manœuvres. Ils oubliaient que le parti républicain y avait sa place et ne pouvait négliger d’en profiter. Mais les conceptions des troupes politiques en présence étaient bien différentes ; légitimistes et orléanistes escomptaient surtout les résultats d’une action parlementaire avec une majorité à eux, d’une action administrative avec une administration recrutée parmi leur clientèle ; au besoin avec l’armée dont ils ne voulaient voir la transformation morale qui accusait des dissentiments marqués. Il n’en pouvait guère être autrement dans l’armée, puisque, côte à côte, en contact quotidien, se trouvaient les officiers de l’Empire et les officiers dont la nomination et l’avancement rapide, contraire aux surannés règlements, étaient dus gouvernement républicain de la Défense nationale ; les premiers avaient, avec leur grade, repris leurs places, souvent obtenu de l’avancement, tandis que les seconds, malgré les services rendus, soit par un réel courage, soit par leur courage allié à de réelles capacités militaires, avaient été impitoyablement rétrogradés par une Commission de révision composée de chefs de l’ancienne armée.

Les bonapartistes, fort divisées eux-mêmes depuis la mort de Napoléon III, le prince impérial étant trop jeune et le prince Jérôme voulant jouer son rôle de « César déclassé », n’en étaient pas cependant découragés. Ils continuaient activement leur propagande, comptant toujours sur l’appui des populations agricoles, sur une bonne partie de l’administration, sur la majeure partie du