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morales du travail, vise son affranchissement intégral par la transformation du régime propriétaire.

Malgré une situation forte, l’Angleterre a une constante source d’inquiétudes causées par l’Irlande qui revendique son autonomie.

En Russie où, à cette époque, règne un véritable moyen-âge d’ignorance, d’oppression et de terreur, l’autocratie du tzar reste souveraine maitresse, lassant même une partie de la noblesse, de la bourgeoisie instruite et de la jeunesse qui cherche, parmi d’épaisses ténèbres, un débouché à toutes ses activités, à ses pensées généreuses, à ses impatiences légitimes. Pas de liberté de la presse ; les journaux ou ouvrages publiés à l’étranger ne passent pas librement la frontière ou, s’ils la franchissent, ce n’est que mutilés de leurs passages essentiels. C’est le mutisme pour tous ; la prison, la déportation, l’exil, parfois la potence répriment les écarts de plume, de parole, de propagande. C’est l’arbitraire dans tout ce qu’il peut avoir d’odieux, de douloureux. La population des villes et des centres industriels est surveillée par une police active, habile, inlassable : quant à la population des campagnes, elle croupit dans l’ignorance la plus profonde, la détresse la plus désolante. Malgré tout et pour tant qu’il soit affaibli, un écho vient de l’étranger, de ce qui s’y passe, des progrès qui s’y accomplissent : des journaux et des brochures entrent en fraude et lentement va naître un parti fort mélangé, mais actif, qui, avec un rare courage, un stoïque mépris du danger, va entreprendre une propagande qui rencontre de vives hostilités, mais finit par trouver le chemin des cœurs et des cerveaux.

La Russie officielle a cessé de « se recueillir ». Longue à se remettre de sa défaite en Crimée, elle s’est libérée du traité de Paris ; elle porte son effort vers la mer Noire, vers Constantinople, réveillant cette question d’Orient qui a fait couler tant de sang et va donner de nouveau des insomnies aux diplomates de carrière. Elle poursuit sa pénétration en Asie vers l’Afghanistan, vers la Chine, sans se douter qu’à l’Extrême-Orient, une nation endormie dans sa civilisation séculaire, le Japon, vient de s’éveiller, s’adapte peu à peu à la civilisation occidentale et va se révéler comme un rival dangereux.

Les puissances de second ordre, incapables d’agir par elles-mêmes ou condamnées à une heureuse neutralité, Suède, Norvège, Danemark, Hollande, Belgique, Suisse n’ont pas assisté, sans être fortement troublées dans leur quiétude, dans leur sécurité, par l’issue du conflit franco-allemand et la perspective des crises qui peuvent se produire en Europe. Parmi presque toutes on constate un actif mouvement socialiste qui ne fera qu’affirmer les progrès, au fur et à mesure que l’évolution économique dénoncera la concentration de plus en plus grande, en les mains d’une féodalité capitaliste, de tous les moyens de produire.

Depuis la défaite de la révolution parisienne, l’histoire de l’Allemagne a été si étroitement mêlée à celle de notre pays qu’il a fallu fréquemment en noter