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non la moins nombreuse, va modifier son orientation pour entrer dans la voie constitutionnelle, pour même participer au pouvoir, faire simplement de l’opposition dynastique.

L’Italie sera bientôt naturellement entraînée vers la politique coloniale : ses yeux se tourneront vers l’Afrique, vers la Tunisie, la Tripolitaine, plus tard vers la côte des Somalis. Cette politique lui sera une source de difficultés intérieures et extérieures et elle contribuera à tendre ses relations avec la France.

Enfin, au point de vue européen proprement dit, peu à peu l’Italie va se trouver entraînée dans l’orbite de la politique allemande ; elle va se rapprocher de l’Autriche, pour elle l’ennemie héréditaire, d’où recrudescence du mouvement irrédentiste et augmentation ruineuse de charges militaires et navales.

L’Espagne, depuis le pronunciamiento de Cadix, en septembre 1868, dont la répercussion oblique devait provoquer la guerre franco-allemande avec la question Hohenzollern, avait traversé les crises les plus tumultueuses, les plus graves. Sous l’influence pernicieuse, déprimante, d’un clergé tout puissant, ce malheureux pays, digne d’une plus douce destinée, avait vu les politiques, les factions militaires s’entre-déchirer, pour aboutir à l’élection d’un roi étranger, Amédée de Savoie qui, après deux années d’un règne difficile, avait compris que le seul parti honorable et prudent qui lui restait était de renoncer à la couronne. Il avait abdiqué et la république avait été proclamée. À l’enthousiasme des premières journées avaient bientôt succédé les intrigues et les discordes. L’insurrection cantonaliste avait éclaté, sa place forte était Carthagène ; à l’opposé de ce mouvement révolutionnaire très complexe, pour ainsi dire inanalysable, éclatait, dans les provinces du Nord, l’insurrection carliste qui, durant plus de trois années, devait désoler l’Espagne et tenir en échec les troupes du gouvernement régulier, de la République d’abord puis de la monarchie restaurée par un coup d’état militaire, et la question de Cuba luttant pour son indépendance, pour son autonomie, contre des capitaines-généraux pillards, n’était pas pour amoindrir les difficultés.

Le parti royaliste et des agents du gouvernement français, eux-mêmes, favorisaient ouvertement don Carlos et ses partisans dont des chefs tels que le curé Santa Cruz, conquéraient une funèbre célébrité par leurs vols à main année et leurs assassinats nombreux.

Parmi ces agitations, dont quelques unes avaient un caractère et un aspect dignes des périodes les plus sombres du Moyen-Age, se dessinait toutefois le mouvement socialiste, méthodique, coordonné, avec la note doctrinale collectiviste ou communiste dans les centres industriels, tels que la Catalogne, où réside la principale force économique et commerciale de l’Espagne ; avec l’empreinte anarchiste dans les régions du Sud, plus particulièrement agricoles, plus malheureuses, plus impatientes, aussi, faut-il le dire, plus igno-