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dans les régions méridionales qu’il a fallu arracher à leur torpeur ; qui sont plongées dans l’ignorance, la misère et où se dessine un fort courant d’émigration. L’unité politique est réalisée depuis l’occupation des États pontificaux et la proclamation de Rome comme capitale du nouveau Royaume. La question du pouvoir temporel du Pape, sans être inquiétante, ne laisse pas moins subsister quelques problèmes délicats ; l’Autriche, très catholique, ne s’y est pas encore résignée ; l’Espagne, encore plus catholique, très ultramontaine, s’en est irritée et, en France, d’où deux fois est partie une armée pour défendre les prérogatives du Pape, les partis conservateurs et le parti clérical ont tenté de créer une agitation, de faire intervenir le gouvernement, risquant ainsi de créer les complications les plus dangereuses pour la paix à peine rétablie. La France conserve un ambassadeur au Vatican ; dans les eaux italiennes stationne un navire de guerre l’Orénoque, source d’irritation parmi les Italiens qui, au-dessus de leur attachement à l’Église, de leur fanatisme religieux, placent rattachement à la patrie ressuscitée, unifiée.

Tandis qu’elle s’organise au point de vue économique et financier, ce développement sera rapide et intéressant, elle réorganise aussi ses forces militaires ; elles en ont grand besoin, pour lui permettre de jouer en Europe le rôle auquel aspirent pour elle ses hommes d’État.

La première étape de son unité, elle n’a pu l’accomplir qu’avec l’aide de la France, en 1859 ; la seconde étape que grâce à la Prusse qui, durant la campagne de Bohème, retient vers le Nord la majeure partie des forces austro-hongroises et contraint l’Autriche, malgré les victoires remportées sur les Italiens, sur terre à Custozza, sur mer à Lissa, à céder à la vaincue la Vénétie. À cette réorganisation, l’Italie consacrera de grands efforts et des centaines de millions, affrontant une crise financière très grave ; elle y trouvera une armée nombreuse, instruite et une marine remarquable.

L’activité qu’elle déploie parmi une fièvre de patriotisme extraordinaire ne t’empêchera pas de connaître de grandes agitations d’un caractère plus social que politique. Parmi les régions de misère agricole où, dans les vastes latifundia aristocratiques et bourgeois, la population productrice, écrasée d’impôts, est vouée aux pires détresses, des soulèvements désordonnés ne cessent de se produire. Dans les régions du Nord et du Centre, où l’activité industrielle, commerciale, agricole, se manifeste par une organisation méthodique, c’est le socialisme qui apparaît groupant un peu partout, particulièrement dans les grands centres, de nombreux partisans ; et, sous l’influence de Bakounine, de ses disciples, dont certains sont des hommes de valeur, des propagandistes hardis et inlassables, les doctrines anarchistes se répandent avec une rapidité extraordinaire.

Le mouvement anticlérical ne chôme pas non plus ; il est lié au mouvement républicain, mais devant les progrès du socialisme, devant quelques concessions de la maison de Savoie, une fraction du parti républicain,