CHAPITRE XX
L’Europe n’a pas été sans subir la forte répercussion des événements qui viennent de se produire, depuis la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne, déclaration amenée par la politique cauteleuse de M. de Bismarck, déterminée par les intérêts dynastiques de Napoléon III. Cette répercussion a été plus particulièrement intense depuis la conclusion de la paix qui révèle, enfin, mais un peu tard, aux puissances aveuglées, imprévoyantes, la profonde transformation qui s’est produite, dont l’effet va être si intense sur la politique internationale, sur la politique intérieure elle-même de la plupart des nations.
Une puissance formidable s’est constituée ; sa politique hardie, autoritaire et insidieuse à la fois, fait naître des hésitations, des appréhensions : elle s’impose déjà. N’a-t-elle pas à sa disposition un outillage de guerre perfectionné dont est prête à se servir une armée nombreuse, bien instruite, supérieurement commandée, auréolée du prestige de retentissantes victoires sur une nation à tort ou à raison considérée, jusqu’aux premiers revers, comme l’arbitre militaire de l’Europe ?
Puis, chaque nation est en crise de transformation. L’Autriche-Hongrie, encore mal rétablie de sa cruelle aventure de 1866, réorganise son armée et reconstitue son matériel de guerre ; son gouvernement a de la peine à maintenir dans le calme une unité bien factice, tant l’Empire est formé d’éléments disparates dont certains menacent de reprendre leur autonomie dès qu’une occasion favorable se présentera, — la mort de l’Empereur, par exemple. L’élément allemand, que gagne le mouvement pangermaniste, s’agite pour conquérir la plus grande part d’influence et les regards des diplomates autrichiens se tournent vers l’Orient, avec l’espoir, la volonté bien arrêtée d’y chercher des compensations à la perte de la Lombardie et de la Vénétie.
L’Italie, brusquement passée au rang de grande puissance, se réorganise économiquement et elle s’y emploie avec ténacité, habileté. Elle a fort à faire