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discours de celui qui, après avoir refusé de voter la Constitution de 1875, devait succéder au maréchal de Mac-Mahon :

« Votre proposition a pour objet de voiler le provisoire, de le continuer sans le dire, et cela pour vous réserver l’occasion et les moyens qui peuvent se présenter de faire plus tard le gouvernement que nous ne pouvez instituer aujourd’hui…

« Vous avez essayé la monarchie ; vous l’avez fait dans votre droit et votre loyauté. Je vous aurais contesté le pouvoir de disposer de la souveraineté nationale, mais vos principes sont si différents des miens ; vous agissiez dans votre droit et dans vos convictions. Vous avez échoué. Faites place à d’autres ! Vous ne pouvez pas rester indéfiniment ici pour attendre les occasions ! »

C’était bien le provisoire, un provisoire à durée déterminée, d’une stabilité apparente dont venait d’accoucher la majorité monarchiste de l’Assemblée qui, cette fois, avait vu les bonapartistes lui revenir, malgré la protestation plébiscitaire de M. Rouher ; mais, pour tous les partis, la situation n’en restait pas moins très confuse, très compliquée.

Pour le parti légitimiste la partie était irrémédiablement perdue ; seuls les bonapartistes pouvaient conspirer, faire de la propagande et escompter la possibilité d’un coup de main, quand leur jeune prétendant aurait pris un peu plus d’âge. Les orléanistes, eux, avaient la perspective de manœuvrer constitutionnellement ; ils comptaient dans leurs rangs des hommes habiles, rompus à toute la stratégie parlementaire. Il manquait à leur prétendant, le comte de Paris, la popularité, ce qui est un appoint sérieux, utile, parfois même nécessaire. La revendication des biens confisqués par Napoléon III n’était pas pour développer cette popularité, au contraire.

Quant aux républicains, si le vote du septennat était un échec grave, il était largement compensé par la déroute des royalistes dont les manœuvres avaient si vivement inquiété le pays. Ils avaient droit à toutes les espérances, car l’opinion publique était avec eux ; il leur fallait déployer de l’activité ne se laisser troubler par aucune menace. La France définitivement libérée de l’ennemi, répudiait hautement empire et monarchie ; elle allait résister aux entreprises des cléricaux, les plus dangereuses de toutes, et s’acheminer, parmi bien des luttes encore, vers la république définitive.