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ministre de l’Intérieur, présenta la loi de sûreté générale, correctif jésuitique et préventif de la loi dite d’amnistie, le général de Mac-Mahon fut le seul à voter contre. Cet acte d’indépendance fit sensation ; il ne pouvait être oublié au moment où chacun se demandait si le nouveau président se mettrait à la merci des conspirateurs monarchistes victorieux.

Au demeurant, c’était un homme complexe, énigmatique, qui surgissait, mais son entourage l’était moins.

Le lendemain même de l’élection du maréchal, une affiche s’étalait sur les murailles de Paris :

« République française
« Aux préfets.

« Je viens d’être appelé par la confiance de l’Assemblée nationale à la présidence de la République.

« Aucune atteinte ne sera portée aux lois existantes et aux institutions.

« Je réponds de l’ordre matériel et je compte sur votre vigilance et sur votre concours patriotique.

« Le ministère sera constitué aujourd’hui même.

« Le président de la République,
« de Mac-Mahon. »

L’affiche fut lue avec curiosité ; elle fut commentée et occasionna, sur certains points, des attroupements que la police dispersa avec son entrain coutumier. Tout peut changer en France, « l’entrain » de la police reste toujours le même.

Le ministère n’était pas difficile à constituer ; il était prêt avant la victoire des droites, qui avaient tenu à prendre toutes leurs précautions.

Le duc de Broglie, qui avait conduit les troupes conservatrices à l’assaut, devenait vice-président du Conseil avec le portefeuille des affaires étrangères ; M. Beulé était à l’intérieur, M. Batbie à l’instruction publique, M. Ernoul à la justice, le général de Cissey à la guerre, l’amiral Dompierre d’Hornoy à la marine, M. Magne aux finances, M. Desseilligny aux travaux publics, M. de la Bouillerie aux travaux publics.

Fort divers dans sa constitution, puisqu’il s’y trouvait des orléanistes, des bonapartistes, des légitimistes et un représentant du groupe Target, désormais célèbre par sa trahison du 24 mai, il offrait une unité remarquable au point de vue clérical ; la collection était complète… et parfaite. Tels étaient les hommes qui allaient exécuter la première étape du nouveau régime, de « l’ordre moral ».

Parmi ces illustrations politiques qui, à l’exception du duc de Broglie, étaient du quatrième plan, figurait un homme qui conquit immédiatement une réputation considérable, vrai déjeuner de soleil, car elle devait être bien