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et des plus fieffés réacteurs qui se soient rencontrés, fut définitivement élu par 304 voix contre 285 données à M. Martel.

Les droites venaient, par l’incompréhensible susceptibilité et la faiblesse de M. Grévy, de conquérir un poste important ; elles devaient en user, en abuser, pour aboutir à quelques succès partiels, puis à un misérable avortement.

La démocratie parisienne devait répondre par une énergique protestation à l’acte d’hostilité commis par la droite de l’Assemblée contre la démocratie lyonnaise et sa protestation devait atteindre toujours en passant, un de ses élus, le chef du pouvoir exécutif lui-même, M. Thiers qui avait montré tant de faiblesse en laissant M. de Goulard abandonner son projet pour se rallier à l’avis de la Commission. En effet, tandis que l’Assemblée était en vacances depuis le 7 avril pour ne rentrer que le 19 mai, des élections complémentaires devaient se faire et, à Paris, le décès de M. Sauvage rendait un siège vacant et les électeurs étaient convoqués pour le dimanche 27 avril.

A qui reviendrait ce siège ? quel parti l’emporterait sur les autres ? questions importantes pour le gouvernement, pour le parti républicain, pour les modérés, pour la réaction elle-même qui, loin d’éviter la lutte, allait s’y engager à fond.

La candidature de M. de Rémusat, ministre des affaires étrangères, avait été posée par les modérés, par les ralliés, coalition dans laquelle pénétrèrent des orléanistes avérés. Il était courant, sinon officiel, que M. Thiers patronnait cette candidature bien faite pour éveiller les méfiances des vrais républicains. M. Thiers escomptait que son candidat ne pouvait que réussir ; que Paris oublierait l’homme de la semaine de Mai pour ne se souvenir que du chef du pouvoir exécutif qui venait d’aboutir à la libération du territoire, après de longues, délicates et laborieuses négociations. Il n’en devait pas être ainsi ; Paris qui, déjà, avait manifesté son réveil lors des élections municipales, allait prouver que, malgré la saignée subie, il lui restait assez de vigueur morale pour élever une énergique protestation contre tous les réacteurs, sous quelque masque qu’ils pussent se présenter. Avec un ensemble, un entrain incomparables, des Comités se formèrent, fusionnèrent et la candidature fut offerte à M. Barodet. Paris se solidarisait avec Lyon pour affirmer sa foi démocratique et sa haine des ruraux de Versailles.

M. Barodet accepta, résumant son programme en quelques points très précis : Dissolution immédiate de l’Assemblée nationale ; intégrité absolue du suffrage universel ; convocation immédiate d’une Assemblée unique, seule capable de voter l’amnistie et la levée de l’état de siège.

Le colonel Stoffel était le candidat des bonapartistes et les réactionnaires devaient voter pour lui.

La campagne électorale fut acharnée ; Paris se tapissa d’affiches et la France entière se passionna. Tandis que MM. Littré, Langlois, H. Carnot, Jules Grévy se prononçaient, au nom de l’intérêt supérieur de République, pour la candi-