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vaut-elle ? Où menait-elle la France ? Elle la menait à la guerre : et quelle guerre ! Une guerre simultanée contre toute l’Italie et toute l’Allemagne : une guerre où la France aurait engagé sa vie même, dans l’intérêt de cette papauté qui lançait en ce moment même le syllabus, et de cette Autriche que les âpres leçons de la défaite avaient convertie depuis quelques mois au libéralisme et que la victoire catholique de la France impériale et de la papauté son alliée aurait ramenée bien vite dans la voie de l’absolutisme clérical.

Il est impossible de comprendre comment M. Thiers a pu se flatter que sa politique était conciliable avec le maintien de la paix.

La contradiction est criante. Il disait, le 14 mars : « La seule politique honnête et raisonnable, c’est de se mettre à la tête de tous les intérêts menacés et de dire : « Au nom de l’honnêteté de la France, au nom de sa force que vous ne contestez pas, au nom de ce qu’elle a été et de ce qu’elle doit rester dans le monde, la France, au lieu de se prêter à cette dévastation de l’univers, viendra défendre tous les intérêts menacés et les appellera à se ranger derrière elle pour prévenir de nouvelles iniquités. » (Mouvements d’approbation.)

« Cette politique, en outre, peut être celle de la paix. Pour ma part, je ne veux pas (pardonnez-moi, Messieurs, cette expression individuelle qui ne convient à personne), pour ma part, je ne veux pas la guerre. La guerre serait une extravagance, passez-moi le mot ; elle précipiterait les événements qu’il faut arrêter. La vraie politique, c’est, en admettant ce qui est fait (on aurait pu l’empêcher et on a eu tort de ne pas l’empêcher, mais il n’est plus temps), c’est en admettant ce qui est fait, de déclarer hautement qu’on ne souffrira pas que les choses aillent plus loin. La vraie politique, c’est non pas de vouloir réagir contre les événements, mais de les arrêter, de les suspendre, de les ralentir au moins. Voilà la vraie politique. Pour cela, faut-il la guerre ? Non ! mille fois non ! La paix, la paix suffit (Bruit).

« Messieurs, ne m’interrompez pas ; il me semble que cette question est bien sérieuse, et que je m’efforce de la traiter sérieusement (Oui, oui, parlez ! parlez !)

« Eh bien ! la paix suffit-elle à cette politique ? Je le répéterai : oui ! et en voici la preuve : c’est qu’aujourd’hui on compte avec nous. Le Gouvernement a dit que la Prusse évitait de blesser nos susceptibilités nationales, et c’est vrai, je le reconnais. Il faut profiter de cette situation ; on compte avec la France et l’on a raison ; la France prouverait à qui en douterait qu’il faut compter avec elle ! (Oui ! oui ! vive approbation).

« Cela suffit pour que la politique de la paix l’emporte, appuyée sur une conduite sage et forte. »

Il insistait sur ces idées le 18, mais avec une nuance plus marquée de doute et de défiance : « Non, je ne suis pas pour la guerre, je le dis non pas dans le désir de flatter telle ou telle opinion, mais parce que je regarde la guerre comme une folie. Quelle doit être notre politique ? Elle ne doit pas être, comme