combinaisons orientales une coalition européenne, il s’écriait à la tribune : « Oui, tous les gouvernements sont contre nous ! Savez-vous pourquoi ? Parce que la France est une révolution. » Or, le même homme qui reconnaissait ainsi la force maîtresse de la Révolution, jugeait les affaires d’Italie et d’Allemagne comme si la Révolution ne s’était pas produite. Il voulait maintenir l’ancienne politique, la politique traditionnelle de la vieille France : celle de François Ier, de Richelieu, de Mazarin, de Louis XIV qui consistait à diviser l’Italie, à diviser l’Allemagne pour les affaiblir et les dominer. Mais la force révolutionnaire avait agi, et de bien des façons, dans le sens de l’unité italienne et de l’unité allemande. La France nouvelle avait donné au monde l’exemple et la mesure de ce que peut un peuple qui sait concentrer ses énergies et qui, après avoir dès longtemps réalisé son unité territoriale, accomplit son unité politique en supprimant toutes les barrières féodales en fondant toutes les provinces.
Par la proclamation universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen, par la négation farouche du droit de la monarchie et de toutes les monarchies, elle avait ébranlé l’autorité des dynasties multiples qui occupaient et morcelaient l’Italie et l’Allemagne. Le droit des dynasties italiennes et allemandes, c’était le droit de la multiplicité. Nier révolutionnairement le droit des dynasties, c’était ouvrir le champ aux forces d’unité, aux passions d’unité : la conquête révolutionnaire avait agi dans le même sens que l’idée révolutionnaire. Napoléon Ier avait brisé toutes les petites couronnes italiennes et il les avait refondues en une seule couronne sur laquelle il avait mis la main.
L’unité italienne était si bien une nécessité, une loi des temps nouveaux qu’elle était devenue pour la monarchie césarienne et révolutionnaire de France un moyen de domination comme la multiplicité italienne avait été un moyen de domination pour l’ancienne monarchie française. Le même Napoléon avait bouleversé la Constitution de l’Allemagne, suscité ou abattu des rois et des princes, et il avait déplacé si souvent, si violemment les bornes des États allemands qu’il avait appris à la nation allemande que tout en elle était fragile et précaire, tout, sauf elle-même. Elle était le seul fonds permanent et stable dans cette prodigieuse improvisation qui faisait et qui défaisait les États. Et lorsque, enfin, lassée et exaspérée par la dictature étrangère, elle se souleva tout entière pour chasser l’envahisseur, ce fut bien une affirmation vivante d’unité nationale, et la Révolution française, idéaliste d’abord, puis conquérante et oppressive, avait contribué doublement à susciter l’unité allemande : en proclamant le droit des nations et en le violant. Comment s’étonner après ces grands ébranlements, après ces tentatives ou ces poussées d’unité, qu’il se soit trouvé en Italie et en Allemagne, durant tout le XIXe siècle, des partis ou des dynasties, des forces populaires ou des forces monarchiques pour reprendre l’œuvre d’unification nationale ? M. Thiers moralise à faux et il déclame (car le bon sens aussi a ses déclamations) quand il s’écrie que cette politique d’unité est un prétexte et un moyen pour l’ambition de certains États. Sans doute, la