Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/496

Cette page a été validée par deux contributeurs.

déshonorer pour l’histoire. L’affaire des pétroleuses — elles étaient huit mille embrigadées, sous la direction de Ferré, selon les journaux de l’ordre — se réduisit au procès de cinq vaillantes femmes, Rétifle, Suétens, Marchais, Papavoine et Bocquain, condamnées, les trois premières à mort non pour avoir incendié des monuments publics, la preuve ne put être faite, mais pour avoir combattu aux barricades.

L’affaire des pupilles avorta non moins misérablement. En somme, aucune des calomnies dirigées contre le mouvement révolutionnaire en général ou contre ses personnalités les plus notoires, en particulier, ne put être étayée de la moindre preuve et ne vit même le jour à l’audience. Pas un chat-fourré galonné n’osa reprendre à son compte les accusations de concussion, de vol, de pillage dont la presse bourgeoise s’était montrée si prodigue. Au creuset, la formidable insurrection, qui avait prétendument recruté ses combattants parmi les hôtes de toutes les geôles de France et de l’univers, sur 40,000 prévenus et 13,000 condamnés, ne laissait à l’ennemi, malgré le grand nombre de repris de justice intentionnellement englobés dans les poursuites, que 2,381 individus pourvus d’un cahier judiciaire pour crimes et délits que le rapport général paru le 1er janvier 1875 se garde, du reste, bien de spécifier. Enfin, cette insurrection fomentée soi-disant par l’étranger, avec l’or de l’étranger, et vers laquelle s’étaient rués pour en attiser les flammes les aventuriers des deux mondes, ne fournissait que 390 condamnés non français.

Plusieurs de ces procès avaient été montés à grand orchestre, notamment celui qui se déroula devant le troisième conseil de guerre du 7 août au 2 septembre. S’y trouvaient impliqués quinze membres de la Commune tombés aux mains de l’ennemi : Assi, Billioray, Champy, Victor Clément, Courbet, Decamps, Ferré, Paschal Grousset, Jourde, Ulysse Parent, Rastoul, Regère, Trinquet, Verdure et Urbain, plus Ferrat et Lullier du Comité central. Le procès ne tint du reste pas ce que Versailles s’en était promis. Les robins à épaulettes s’y montrèrent féroces, mais grotesques plus encore. Les accusés ne furent pas non plus, il faut le dire, à la hauteur de leur rôle. Jourde et Grousset firent preuve de fermeté et de courage, mais se cantonnèrent trop exclusivement sur le terrain de leur gestion personnelle. Aucun d’eux, sauf Trinquet et Ferré, n’essaya d’élargir le débat aux proportions d’une grande controverse sociale, la seule chose qui convînt en présence surtout de la veulerie générale de la défense.

Les eut-on laissé parler, il est vrai ? C’est douteux quand on se reporte à l’accueil fait par les juges, l’accusation et le public ligués à la courte « défense » de Ferré. De celle déclaration, qui n’a pas cinquante lignes pourtant, le délégué de la Commune à la Sûreté générale ne put prononcer que les premières et les dernières lignes. De ces cinquante pauvres lignes il put dire ceci seulement, que nous reproduisons exactement avec les apostrophes furibondes du président Merlin et du commissaire du gouvernement Gaveau, qui