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apparemment par un de leurs officiers, qui avait communiqué le mot d’ordre à l’ennemi, ils n’eurent pas même le temps de sauter sur leurs fusils pour se défendre. Bien peu échappèrent à la mort ou à la captivité, et leurs canons avec leurs étendards tombèrent en la possession du vainqueur.

Les forts d’Issy et de Vanves, malgré les prodiges d’activité et de bravoure des chefs qui maintenant y commandaient : Brunel, Wetzel, Lisbonne, Julien et l’ingénieur Rist à Issy, Durassier à Vanves résistaient à grand peine. La position n’était plus défendable. Sous l’avalanche des obus et des bombes qui pleuvaient incessamment, les murs s’écroulaient et s’abîmaient dans les fossés ; on aurait pu monter à la brèche en voiture. Les canonniers communeux pointaient et tiraient à découvert s’offrant cible immanquable aux coups des tirailleurs ennemis. Les cadavres entassés dans les sous-sols, dans les corridors montaient jusqu’à deux mètres de hauteur. L’issue fatale était certaine. Le 4, Durassier, à Vanves, avait pu repousser une furieuse attaque ; mais dans la nuit du 5 au 6 il voyait ses communications définitivement coupées avec Issy. Le 8 enfin, sous la pression des formidables batteries de Montretout qui étaient venues joindre leurs feux à ceux de plus de deux cents pièces tonnant déjà des hauteurs de Sèvres, de Bellevue et de Meudon, le fort d’issy succombait. Un seul obus tiré du Moulin de Pierre avait tué seize hommes d’un coup. Les officiers réunis reconnaissaient toute résistance impossible et la retraite s’effectuait au milieu des balles sous la direction de Lisbonne.

Le soir même où Issy tombait, Rossel avait eu avec les représentants du Comité central de la garde nationale une entrevue orageuse. Général de la défaite, n’ayant que des désastres à enregistrer depuis sa prise de pouvoir, poursuivi à la Commune par la fielleuse rancune de Pyat qu’il avait convaincu de mensonge, suspect à beaucoup, il se sentait au bout de son rouleau. Décidé à rompre ouvertement avec le Comité central — puisqu’il était allé, avec l’intention d’en exécuter les délégués quand ils se présenteraient, jusqu’à réunir, dans la cour du Ministère, un peloton, fusils chargés, — il s’était soudain ravisé et l’explication commencée en tempête s’était achevée en bonasse. Voulez-vous et pouvez-vous, avait dit Rossel, en manière de conclusion m’amener demain place de la Concorde douze mille hommes en armes ; et les délégués du Comité central s’étaient retirés, après avoir promis.

Qu’entendait Rossel faire de cette force ? Il avait parlé sans doute d’une sortie à tenter sur Versailles, par Clamart. Mais n’était-ce pas là prétexte et n’avait-il pas un autre but, celui que certains lui ont attribué de marcher à la tête de ces douze mille baïonnettes rassemblées sur l’Hôtel de Ville, d’en chasser la Commune et d’imposer à Paris, soit pour continuer la lutte, soit pour essayer de traiter avec Versailles, une dictature militaire, sa dictature. Le problème n’est pas encore élucidé à cette heure. Le sera-t-il ?

Quoi qu’il en soit, le lendemain, à midi, Rossel était place de la Concorde. À cheval, il passe sur le front des troupes, crie aux chefs « Mon compte n’y est