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teur, belle tête vénérable et barbue, mais de peu de cervelle, s’était borné à dire : « Il faut un Comité qui donne une impulsion nouvelle à la défense et ait le courage, s’il le faut de faire tomber les têtes des traîtres. »

Cette évocation de la Terreur pouvait réjouir agréablement ceux qui avec Miot se nourrissaient de la viande creuse des mots et des formules, mais elle ne rimait à rien et ne donna même pas le petit frisson aux bourgeois réacteurs de Paris qui n’y virent qu’un prétexte de plus pour crier à la tyrannie et aiguiller davantage vers Versailles. La Terreur ne va pas en effet sans terroristes. Or, après comme avant le 1er Mai, les terroristes firent défaut. Les cinq membres, particulièrement du nouveau Comité dictatorial n’étaient guère faits pour tenir l’emploi. Un seul, peut-être, Antoine Arnaud, avait du tempérament, et un second, de l’élan, Ranvier ; les trois autres étaient Léo Melliet, Charles Gérardin et Félix Pyat. Ce dernier eut suffi à tout perturber et tout compromettre si ses collègues avaient eu quelque velléité d’action. Tous, au surplus, n’avaient obtenu qu’un nombre restreint de suffrages, ce qui prouve bien que la confiance et l’enthousiasme ne surabondaient pas. La grosse moitié des membres de la Commune se réserva puisqu’on ne trouve au scrutin que 37 votants qui donnent 33 voix à Arnaud, 27 à Meillet et à Ranvier, 24 à Félix Pyat et 21 à Ch. Gérardin. 23 des non votants qui allaient former le noyau de la fraction connue sous le nom de minorité de la Commune : Arthur Arnould, Andrieu, Lefrançais, Longuet, Ostyn, Jourde, Malon, Serrailler, Beslay, Babick, Clémence, Courbet, E. Gérardin, Langevin, Rastoul, Vallès, Varlin, Avrial, V. Clément, Vermorel, Theisz, Tridon, Pindy, avaient motivé leur abstention en termes quasi-insultants. De toutes façons et pour toutes ces raisons, le Comité de Salut Public était donc discrédité dès sa naissance, frappé d’impuissance et voué à un lamentable fiasco. Il ne fera pas tomber de têtes ; il ne prendra pas de mesures révolutionnaires ; bien mieux, il n’en prendra d’aucune sorte. Il n’essaiera même pas de barrer pour fuir l’écueil, gagner des mers plus calmes, mais écrasé dès l’abord par des responsabilités trop grandes, appelé à une tâche très au-dessus du courage et de la capacité de ses membres, il laissera le navire flotter plus que jamais à la dérive, jouet des éléments et proie de l’aveugle destin.

En même temps que les « terroristes » fantômes, évoqués par Miot-Méphisto faisaient mine de prendre en mains la direction générale des affaires de la Révolution, un homme nouveau s’installait au Ministère de la Guerre, Rossel.

L’arrestation de Cluseret et sa destitution avaient été le dernier acte de la Commission exécutive. Que n’y avait-elle procédé plus tôt ? Bien des fautes, bien des erreurs eussent été, semble-t-il, évitées. Pour le remplacer, la Commission avait songé de suite à l’officier qui avait rempli auprès du destitué les fonctions de chef d’état-major et que son attitude froide et puritaine signalait discrètement à l’attention. Rossel était connu de plusieurs des élus de