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rion. La batterie flottante, descendant jusqu’à Billancourt, eut même un jour l’audace de s’y établir pour canonner Meudon. Au nord-ouest, le feu n’était pas moins vif. Asnières se trouvait en butte aux projectiles d’une batterie établie imprimerie Paul Dupont et à ceux d’une locomotive blindée sans cesse en mouvement sur la voie. Bécon était canonné par Levallois et la Gare Saint-Ouen, Courbevoie par le front de l’enceinte 50-53. Les insurgés procédaient de nouveau à l’armement de Montmartre pour couvrir de feu la presqu’île de Gennevilliers.

« Malgré cet acharnement et tant de dispositions comminatoires, nos artilleurs éteignaient Issy et le génie poussait activement ses cheminements vers le fort… Dans la nuit du 26 au 27, nos tranchées étant assez avancées pour ne plus permettre à l’ennemi de retours offensifs, on résolut de brusquer une attaque sur les Moulineaux. »

Le plan d’ensemble conçu par Thiers qui présidait chaque matin le Conseil de guerre, ainsi qu’il s’en enorgueillit dans sa déposition et qui jouait en somme le rôle de généralissime, était d’ouvrir de suite la tranchée en s’avançant par les procédés ordinaires jusqu’au bord du fossé, mais en même temps de réunir une masse de feu extraordinaire, à l’imitation des Prussiens, contre l’angle sud-ouest des fortifications, point le plus vulnérable de l’enceinte. Thiers était persuadé en effet que, sous la protection de ces feux, le travail des tranchées serait plus rapide et que peut-être en rendant le rempart inhabitable pour ses défenseurs on ferait évacuer les ouvrages. Ainsi, en tout cas, on contraindrait tout d’abord au silence les bastions du Point-du-Jour qui croisaient leurs feux d’une façon gênante avec ceux du fort d’Issy, on nettoierait la plaine de Billancourt ; puis on écraserait le fort d’Issy lui-même ainsi que les forts de Vanves et de Montrouge et enfin on forcerait le rempart dans ces mêmes directions par plusieurs brèches à la fois.

Au 25 avril, ainsi qu’on vient de le voir, ce plan avait déjà reçu un large commencement d’exécution. À partir de cette date, les opérations se poursuivirent avec une recrudescence d’activité et d’effet. Le 26, au soir, la brigade du général Faron, enlevait les carrières situées en avant du cimetière d’Issy et poussait jusqu’au village des Moulineaux. Dans la nuit, le général Faron renouvelait son attaque et emportait le village. Une tranchée était immédiatement ouverte sur le parc d’Issy. Le 27 et le 28 l’artillerie, des hauteurs de Meudon et de Sèvres, redoublait ses coups contre le fort d’Issy. Celui-ci était commandé en ces jours par Mégy, révolutionnaire ardent, c’est certain, mais chef très inexpérimenté et dépourvu de toute capacité militaire. Devant le danger croissant, Mégy perdait la tête. La venue de Cluseret au cours de la journée du 28 rendit quelque solidité à la défense ; mais la journée du 29 acheva de mettre le désarroi chez les assiégés. Les Versaillais, dont l’artillerie tonnait sans discontinuer, avaient poussé leurs tranchées sur la droite du fort presqu’à l’entrée du bourg d’Issy ; et sur sa gauche, jusque dans le voisinage de la gare de