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un rapport établissant les conditions pratiques de la prompte mise en exploitation de ces ateliers, non plus par les déserteurs qui les ont abandonnés mais par l’association coopérative des travailleurs qui y étaient employés ». Les Chambres syndicales étaient, en outre, invitées à élaborer un projet de constitution de ces nouvelles sociétés et à former un jury arbitral qui statuerait, au retour des patrons, « sur les conditions de la cession définitive des ateliers aux sociétés ouvrières et sur la quotité de l’indemnité qu’auront à payer les sociétés aux patrons »[1]. Malheureusement ce décret resta presque complètement lettre morte. Les préoccupations de ses auteurs, comme celles des syndicaux qui auraient pu le mettre en œuvre, étaient ailleurs, à la bataille. Qui songera à les en blâmer.

On a aussi reproché à la Commune, et c’est le lieu peut-être d’examiner ce grief, de ne s’être pas définie, de n’avoir pas, dans un document qui reste et qui marque, buriné son programme, gravé pour la postérité ce qu’elle était dans son essence, les buts où elle tendait, quel monde nouveau elle portait en ses flancs. La Commune ne dit rien à cet égard ou peu de chose, parce qu’elle n’avait rien ou peu à dire. C’était, est-il besoin de le répéter, une assemblée extrêmement composite où l’élément autoritaire jacobin coudoyait l’élément international fédéraliste et proudhonien, ou peu d’hommes avaient le sens exact de la situation immédiate, moins encore l’intuition des événements subséquents que la Révolution du 18 mars préparait et annonçait. Un document un, vraiment caractéristique d’une époque et d’une tendance ne pouvait guère sortir de ses délibérations, à plus forte raison une charte constitutive de la société de demain. Ceux-là, du reste, qui possédaient à l’Hôtel de Ville le sentiment le plus vif des réalités, répugnaient à toute promulgation d’un credo doctrinaire. Ils estimaient que ce n’était ni l’heure, ni l’endroit d’interpréter la direction et la portée d’un mouvement auquel il n’y avait qu’à se livrer en tâchant de l’activer et de l’intensifier. À leurs yeux, toute proclamation, tout appel ne valaient que comme glose explicative des événements apportant aux masses un mot de ralliement simple et court, de tous compris.

La lacune est donc évidente, et ce n’est même pas la « Déclaration de la Commune au Peuple français » qui la comblera. Il faut, en effet, posséder les yeux de la foi pour voir en cet exercice de style, comme certains l’ont fait, la traduction claire et consciente de l’obscur vouloir qui animait au combat les travailleurs parisiens insurgés. Les auteurs de cet exercice eurent à peine pour leur compte cette ambition, et la Commune moins encore, quand elle y donna sa sanction. Toutefois, comme ladite Déclaration tient trois pages et plus dans la plupart des histoires de la Révolution du 18 mars, on ne peut, décemment, la passer complètement sous silence.

  1. L’interdiction du travail de nuit dans les boulangeries, décrétée sur l’initiative de Tridon, se rapporte au même ordre de préoccupations.