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Ces conciliateurs maçonniques eurent du moins la probité et le courage, ayant échoué dans leur tentative de pacification, de tenir la promesse qu’ils avaient faite et d’ordonner le ralliement de tous leurs « frères » à la Commune. Le 24 avril, ils étaient venus dire à l’Hôtel de Ville : « Ayant épuisé tous les moyens de conciliation avec le gouvernement de Versailles, la franc-maçonnerie est résolue à planter ses bannières sur les remparts de Paris, et si une seule balle les touche, les francs-maçons marcheront d’un même élan contre l’ennemi commun ».

Et, le 29, bannières blanches et drapeaux rouges mêlés, ils partaient, à dix mille, vers la Porte-Maillot, sous la conduite du frère Thirifocq, vénérable, escorté de nombreux membres de la Commune. Les bannières furent plantées sur les remparts et il s’en suivit vingt-quatre heures de trêve et d’illusion. Mais le 30 avril au soir le canon reprenait sa rauque chanson et criblait à mitraille l’étamine des oriflammes symboliques. Fidèles à leur engagement, les maçons appelèrent aux armes. « Frères en maçonnerie et frères compagnons, disaient-ils dans leur appel en date du 5 mai, nous n’avons plus à prendre d’autre résolution que celle de combattre et de couvrir de notre égide sacrée le côté du droit. Armons-nous pour la défense ! Sauvons Paris ! Sauvons la France ! Sauvons l’humanité ».

Seulement ils avaient trop préjugé de leur pouvoir. Parmi les dix mille francs-maçons qui s’étaient portés aux remparts, tout ce qui était susceptible de faire le coup de feu avec les prolétaires était rallié d’avance, et n’avait pas besoin d’un nouveau mot d’ordre. Quant aux francs-maçons de province, il était trop tard pour les entraîner dans l’aventure.

La victoire versaillaise apparaissait dorénavant comme trop certaine, pour qu’ils risquassent un sacrifice inutile. Ils se joindront — c’est tout ce qu’ils pourront faire — au dernier mouvement tenté par les conseils municipaux des grandes villes républicaines en vue d’une conciliation et l’inspireront en maint d’endroit.


LA POLITIQUE DE LA COMMUNE.


L’isolement de la Commune allait donc croissant au fur et à mesure que les semaines s’écoulaient. Dès la mi-avril, à Paris, le divorce était devenu irréparable entre les diverses classes de la population. Dès lors ne lutteront, ne combattront pour la cause de la Révolution que les seuls prolétaires, les seuls socialistes. Les tenants des partis bourgeois se sont définitivement retirés de l’arène. Les uns vont travailler quelque temps encore, sans grandes foi ni ardeur, à une conciliation des belligérants dont ils sentent le néant ; les autres sont déjà acoquinés à Versailles à l’exemple de leurs chefs de file, les vieilles barbes de la démocratie, les « gloires », et demi-gloires du scrutin du 8 février. La presse de gauche, du Siècle au Temps, marque fidèlement cette évolution