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parisiennes. Il vise au surplus, la Révolution ayant cette fois dans la Commune une expression légale, à obliger cette Commune à limiter ses pouvoirs ou mieux à abdiquer.

Pour les initiateurs de ce complot, radicaux bourgeoisant qui se nomment Clemenceau, Lockroy ou Floquet, il y avait trop de travailleurs à la Commune et trop de socialisme. Ils pensaient, s’ils ne le disaient pas, qu’entre l’Assemblée nationale monarchiste et Paris républicain insurgé il y avait place pour leur coterie qu’ils grossissaient déjà en parti. Radical d’apparences, mais conservateur de fond, ce parti bourgeois, moins archaïque que ses congénères, maintiendrait intacts et consoliderait les privilèges sociaux, sous les espèces républicaines et démocratiques mieux encore que sous toutes autres.

La Commune pouvait-elle écouter ces propositions ? Non. Pour cette raison déjà suffisante que, là-dedans, en somme, il n’était question que de sa mort. Pour cette autre raison ensuite et plus décisive que les droits dont le tiers-parti réclamait avec la Commune, comme la Commune la reconnaissance : libertés républicaines, franchises communales, élection populaire des chefs de la garde nationale n’étaient plus à solliciter de l’Assemblée versaillaise comme des faveurs, des concessions gracieuses et généreuses, mais à conquérir à coups de fusils sur le champ de bataille. C’était clair, et bien aveugle qui ne le voyait pas.

L’attitude adoptée par la Commune, lors de la première manifestation publique tentée par les conciliateurs, n’a donc rien qui doive surprendre. Ce fut le 5 avril. Les conciliateurs avaient convié la population à un meeting à la Bourse, et disaient leur but dans un appel abondamment reproduit par la presse. Le dit appel demandait bien, sans doute, à l’Assemblée Nationale « de voter les institutions républicaines et surtout de repousser, comme autant de brandons de discorde civile, les projets de loi municipale, tels que celui qui imposait le maire aux villes de plus de 6.000 âmes », mais en même temps il blâmait vivement les « prétentions politiques » de la Commune et l’invitait à rentrer dans ses attributions d’assemblée municipale. À quoi la Commune répondit : « La réaction prend tous les masques. Aujourd’hui c’est celui de la conciliation. La conciliation avec les chouans et les monarchistes qui égorgent nos généraux et frappent nos prisonniers désarmés ; la conciliation dans de telles conditions, c’est la trahison ». Et elle interdit la réunion, chargeant le délégué à la Guerre et le commandant de place de disperser au besoin les manifestants par la force.

En vérité, la Commune ne pouvait agir autrement, quelles que fussent les intentions droites de certains des conciliateurs. Theisz, plus tard, écrivait sur cet objet[1] : « Dans la lutte du peuple contre les hommes de mauvaise foi qui l’exploitent, il n’y a de conciliation que par son triomphe ». Telle était

  1. Lettre de Theisz à la Constitution, 16 septembre 1871.