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exécutif, et rapporter une réponse. Flotte accompagna lui-même jusqu’à la gare le messager, et lui fit promettre de revenir, quel que fût le résultat de sa mission, « Dussé-je être fusillé, je reviendrai », s’était récrié Laparde. Il l’avait également juré à l’archevêque. Pourtant, il ne devait pas reparaître, ne tenant à rejoindre son archevêque que le plus tard possible et en Paradis seulement. Cinq jours se passèrent sans nouvelles. Thiers avait répondu, mais à la première lettre de l’archevêque, celle où étaient dénoncés les massacres de fédérés, et qu’un journal de Paris, l’Affranchi, de Paschal Grousset, venait de rendre publique. Réponse impudente, mensonge éhonté ! « Les faits sur lesquels vous appelez mon attention, osait dire le cynique malfaiteur, sont absolument faux, et je suis véritablement surpris qu’un prélat aussi éclairé que vous, monseigneur, ait admis un instant qu’ils puissent avoir quelque degré de vérité. Jamais l’armée n’a commis ni ne commettra les crimes odieux que lui imputent des hommes qui assassinent leurs généraux et ne craignent pas de faire succéder les horreurs de la guerre civile aux horreurs de la guerre étrangère… Je repousse donc, monseigneur, les calomnies qu’on vous a fait entendre, j’affirme que jamais nos soldats n’ont fusillé les prisonniers… Recevez, monseigneur, l’expression de mon respect et de la douleur que j’éprouve en vous voyant victime de cet affreux système des otages, emprunté au régime de la Terreur, et qui semblait ne devoir jamais reparaître chez nous ».

À cet instant, Thiers faisait donc mine d’ignorer qu’il pouvait sauver la vie de l’archevêque et de ses compagnons, qu’il n’avait pour cela qu’à répondre un oui tout simple aux propositions que venait de lui remettre le vicaire général du prisonnier. Quant à ce dernier, qui avait compris dès la première minute les intentions scélérates des gouvernants, trahies par le mot typique de ce benêt de Barthélemy Saint-Hilaire, intime du président : « Les otages ! les otages ! mais nous n’y pouvons rien ! qu’y faire ? Tant pis pour eux », il ne devait songer qu’à sauver sa peau. Le faux Régulus, comme on le baptisa depuis dans les sacristies, n’aspirait pas à la palme du martyre. Cinq jours entiers il resta coi. Le 17, cependant. Flotte recevait une lettre où le vicaire général annonçait que l’affaire toujours en suspens continuait à exiger sa présence à Versailles et, de même source, l’archevêque recevait une missive identique. Nous savons maintenant que le 15 Thiers avait prévenu son Lagarde qu’il lui remettrait sous deux jours une réponse, que la question fut soumise en effet au Conseil des Ministres et à la Commission des Quinze qui conclurent à un refus pur et simple, Thiers, ses ministres et les quinze ne faisaient qu’une tête sous un même bonnet. Lagarde, très au courant de tout, n’en écrivit pas moins, le 17 et le 18, deux nouvelles lettres dilatoires à son archevêque. Mais celui-ci trouvait enfin que la plaisanterie durait trop. Le 18, il avait reçu la visite de Flotte justement alarmé et lui avait remis un mot très ferme à l’adresse de son grand vicaire, invitant le sire à ne plus prolonger son séjour hors de Paris au-delà de vingt-