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juger équitablement ce que l’on a appelle la tragédie des Otages et montrer où furent dans la réalité les vrais auteurs responsables de la fusillade de la Roquette et de celle de la rue Haxo.

« Prison de Mazas, 12 avril 1871.


« Monsieur le Président,

« J’ai l’honneur de vous soumettre une communication que j’ai reçue hier soir et je vous prie d’y donner la suite que votre sagesse et voire humanité jugeront la plus convenable.

« Un homme influent, très lié avec M. Blanqui par certaines idées politiques, et surtout par les sentiments d’une vieille et solide amitié, s’occupe activement de faire qu’il soit mis en liberté. Dans cette vue, il a proposé de lui-même aux commissaires que cela concerne, cet arrangement : si M. Blanqui est mis en liberté, l’archevêque de Paris sera rendu à la liberté avec sa sœur, M. le président Bonjean, M. Deguerry, curé de la Madeleine, et M. Lagarde, vicaire général de Paris, celui-là même qui vous remettra la présente lettre. La proposition a été agréée et c’est en cet état qu’on me demande de l’appuyer près de vous.

« Quoique je sois en jeu dans cette affaire, j’ose la recommander à votre haute bienveillance, mes motifs vous paraîtront plausibles, je l’espère. Il n’y a déjà que trop de causes de dissentiment et d’aigreur parmi nous. Puisque une occasion se présente de faire une transaction qui, du reste, ne regarde que les personnes et non les principes, ne serait-il pas sage d’y donner les mains et de contribuer ainsi à préparer l’apaisement des esprits ? L’opinion ne comprendrait peut-être pas un tel refus.

« Dans les crises aiguës comme celle que nous traversons, des représailles, des exécutions par l’émeute, quand elles ne toucheraient que deux ou trois personnes, ajoutent à la terreur des uns, à la colère des autres et aggravent encore la situation. Permettez-moi de vous dire, sans autres détails, que cette question d’humanité mérite de fixer toute votre attention, dans l’état présent des choses à Paris.

« Oserai-je, Monsieur le Président, vous avouer ma dernière raison ? Touché du zèle que la personne dont je parle déployait avec une amitié si vraie en faveur de M. Blanqui, mon cœur d’homme et de prêtre n’a pas su résister à ses sollicitations émues, et j’ai pris l’engagement de vous demander l’élargissement de M. Blanqui le plus promptement possible. C’est ce que je viens de faire.

« Je serais heureux, Monsieur le Président, que ce que je sollicite ne vous parut point impossible. J’aurais rendu service à plusieurs personnes et même à mon pays tout entier. »

Cette lettre, comme le libellé au reste l’indique, avait été confiée au grand-vicaire, Lagarde, qui devait, en mains propres, la remettre au chef du pouvoir