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engagées par Rigault, en raison même de ses fonctions, ne nous amenait à ce point du récit à un retour en quelque sorte obligatoire. Il s’agit des négociations en vue de l’échange des otages contre la personne de Blanqui.

Mettant à exécution le décret pris par la Commune à sa séance du 5 avril, en réponse aux atrocités versaillaises, Rigault avait fait procéder à l’arrestation et à l’incarcération d’une quarantaine de personnages, des ecclésiastiques surtout, parmi lesquels l’archevêque Darboy, son grand-vicaire Lagarde, le curé de la Madeleine, Deguerry, et plusieurs pères jésuites. Ces notabilités, dans la pensée de Rigault, répondaient pour les prisonniers fédérés, au cas où des exécutions sommaires analogues à celle de Duval, de Flourens et de leurs compagnons se répéteraient. Mais la seule menace suffit, comme on l’avait pensé à l’Hôtel-de-Ville, à brider la rage versaillaise. C’est ainsi que Rigault et ses camarades de la Préfecture furent amenés à envisager si ces « otages », fort bien traités du reste par la débonnaire Commune, autorisés à faire venir du dehors nourriture, linge et publications, ne pourraient pas servir à une autre fin utile aussi, à savoir l’élargissement de Blanqui.

Blanqui était encore une fois de plus le prisonnier de la réaction. Élu à la Commune par les XVIIIe et XXe arrondissements il n’avait pu rejoindre son poste. En manière de représailles contre l’insurrection victorieuse du 18 mars, Thiers l’avait, dès le 19, fait arrêter dans le Lot, chez des parents où il était venu chercher quelque repos. Épuisé, malade, il avait été conduit à la prison de Figeac et nul depuis n’avait eu de ses nouvelles. Rigault était des admirateurs fanatiques du vieux révolutionnaire, professant à son égard un culte presque fétichiste : il était persuadé que sa présence à la tête de la Commune redonnerait à celle-ci vie et vigueur, assurerait le triomphe. Il voua donc tous ses soins à l’œuvre de libération par échange de l’éternel enfermé en qui il voyait le sauveur certain du mouvement insurrectionnel.

Dès le 8 avril, l’archevêque instruit de ses desseins avait écrit une lettre à Thiers pour lui signaler l’exécution sommaire des prisonniers fédérés et « le prier de prévenir le retour de ces atroces excès ». À cette lettre privée, Thiers n’avait fait aucune réponse. Son parti était pris déjà, mais il ne tenait pas à mettre encore les Parisiens dans la confidence. Pour les mêmes raisons, à un ou deux jours de là, il évinçait Flotte, vieil ami de Blanqui qui sans mandat officiel, mais avec l’assentiment connu d’un grand nombre des membres de la Commune, était venu lui proposer l’échange du détenu de Figeac contre plusieurs des otages parisiens.

C’est après ces premiers échecs que Rigault décida d’avoir recours aux démarches publiques et officielles. L’archevêque fut mis au courant des pourparlers déjà engagés et consentit à écrire lui-même à Thiers une lettre dans laquelle il exposait les clauses de l’arrangement auxquelles pour son compte il se ralliait pleinement.

Voici les termes de cette lettre dont la connaissance est essentielle pour