Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/410

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Grousset fut plutôt mal servi par les agents qu’il envoya à plusieurs reprises dans les grandes villes du pays qui, d’abord émues et soulevées, comme nous l’avons vu, n’avaient pas tardé à retomber inertes et indifférentes, et, en somme, son zèle resta de nul effet.

D’autre part, que pouvait bien faire en 1871, dans Paris emmuré, un délégué à la Justice ? Les temps n’étaient guère propices à la réforme complète du système judiciaire de la France que méditait, paraît-il, Protot. Aussi s’arrèta-t-il très vite dans cette voie, se bornant à prendre quelques décrets et mesures qui avaient pour objet de simplifier les formalités judiciaires et de rendre gratuit l’établissement de certains actes tels que donations entre vifs, testaments, adoptions, reconnaissances d’enfants naturels, contrats de mariage, actes respectueux, etc. Il eut à lutter surtout contre les notaires, huissiers, commissaires-priseurs, greffiers des tribunaux, terrible engeance qui naturellement faisait guerre sourde à la Commune. Il essaya de transformer les dits officiers ministériels en simples fonctionnaires auxquels il allouait un traitement fixe et qui, en échange, étaient tenus de verser à la délégation des finances les sommes perçues pour les actes de leur compétence, ce qui, en vérité, était fort bien. Il eut aussi à se débattre contre les empiétements de Raoul Rigault qui chassait sur ses domaines et n’avait pas sur les droits de la personne humaine, en période révolutionnaire, à tant soit près, une opinion aussi libérale que la sienne. Nous verrons ce conflit quand nous reviendrons à la délégation de la Sûreté générale.

À l’Enseignement, nous trouvons Vaillant. Ce n’était pas précisément d’instruction et de pédagogie qu’il s’agissait alors, c’était de bataille, et Vaillant le sentait certes mieux que bien d’autres. Il indiqua donc plutôt les voies dans lesquelles il aurait marché, si la Révolution avait eu le temps pour elle avec la réalité du pouvoir, qu’il n’essayât de les parcourir. Pénétré de la nécessité de soustraire l’enfance à l’influence du cléricalisme par la laïcité des programmes, il élimina tout enseignement religieux dans les écoles primaires en même temps qu’il faisait enlever des salles d’études tous les emblèmes cultuels. Il se préoccupa aussi de la création d’écoles professionnelles qui permissent aux jeunes gens de s’initier aux rudiments du métier de leur choix, tout en complétant leur instruction scientifique et littéraire et ouvrit une de ces écoles — la première — dans l’ancien établissement des Jésuites, situé rue des Postes. Pour cet essai de réorganisation de l’enseignement primaire, Vaillant fut aidé par une Sous-Commission qu’il avait composée de spécialistes dévoués et libérés de tout préjugé bourgeois en matière d’éducation, Élie Reclus, Rama et la citoyenne Champseix (André Léo).

Dans le domaine de l’enseignement supérieur. Vaillant faisait appel, dans la plus large mesure possible, aux initiatives corporatives, s’adressant par exemple pour la réouverture de la Faculté de Médecine, abandonnée par les professeurs officiels, aux docteurs et officiers de santé, aux professeurs libres,