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« Quant à Neuilly, cet objectif de nos adversaires, disait-il, je l’ai formidablement fortifié et je défie à toute une armée de l’assaillir. J’y ai placé un homme intelligent et ferme, le citoyen Bourgoin ; il y tient d’une main sûre le drapeau de la Commune et nul ne viendra l’en arracher ». Cette lettre paraissait à l’Officiel du 6. Or, le 7, à 4 heures du soir, le pont de Neuilly était emporté. Bourgoin faisait, il est vrai, une résistance désespérée et périssait sur place. Électrisés par l’exemple, les fédérés tuaient deux généraux ennemis, en blessaient un troisième et pied à pied disputaient le terrain, mais finalement ils étaient rejetés sous les murs de l’ancien parc.

Dans ce combat, Bergeret ne perdit pas la vie, mais il y perdait ses galons. Le lendemain, la Commune, estimant cette fois que la mesure était comble, le destituait, et des officiers allaient être désignés enfin par Cluseret, plus instruits et plus avisés. Un Polonais, Iaroslaw Dombrowski, était nommé au commandement de la place en remplacement de Bergeret. Cette nomination d’un étranger excita même un léger émoi que la Commission exécutive calma en détaillant un peu pompeusement — mais le fond était exact — les raisons qui avaient dicté son choix. Sorti de l’École des Cadets, Dombrowski avait pris part en qualité d’officier aux guerres du Caucase ; il avait ensuite, lors de la dernière insurrection de Pologne, commandé aux milices insurrectionnelles. Plus récemment enfin, il avait servi sous Garibaldi. En somme, c’était un soldat connaissant son métier et dont le passé révolutionnaire donnait des garanties suffisantes. Soldats aussi, le frère de I. Dombrowski, Ladislas, qui le secondera, La Cécilia qui va être envoyé à l’État-Major, et Wroblewski qui recevra le commandement des forts du sud. La Cécilia, français, malgré son nom à consonance italienne, avait servi pendant la guerre à l’armée de la Loire, Wroblewski, de même nationalité que les Dombrowski, avait pris part comme eux à l’insurrection polonaise et fait preuve de science militaire et de froide bravoure.

Au cours d’Avril, la situation du commandement, avec quelques variantes, demeura à peu près la suivante : Dombrowski aura son quartier général extérieur à la Muette. Personnellement, il dirigera les bataillons échelonnés de Levallois-Perret et Neuilly au Point-du-Jour, et par ses lieutenants : Auguste Okolowicz et L’Enfant, notamment, les forces massées depuis Asnières jusqu’à la suifferie de Saint-Ouen où commençait la zone neutralisée, en raison de la proximité des lignes prussiennes, Wroblewski aura son quartier général à Gentilly et son armée sera partagée en trois divisions : la première occupant les forts d’Issy et de Vanves ; la seconde les forts de Montrouge et de Bicêtre ; la troisième le fort d’Ivry et les tranchés de Villejuif. Sous Wroblewski, opéreront Brunel et Lisbonne qui furent, à certaines heures, remplacés par La Cécilia, Wetzel et même Eudes.

Avec ces nouveaux officiers, la garde nationale n’était pas exposée, tout au moins, aux surprises et aux aventures qui, déjà, lui avaient enlevé plusieurs