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Club légitimiste, appuyent de leur fusillade ce mouvement offensif. La bataille est engagée et l’issue n’en est pas douteuse. Les fédérés n’ont plus d’autre choix que se rendre ou vendre chèrement leur vie. C’est ce dernier parti qu’ils adoptent. La préfecture tint dix heures contre l’assaut combiné de toutes les forces de l’ordre, soutenue par le feu d’une batterie de six obusiers placée sur la colline de Notre-Dame-de-la-Garde et par la canonnade incessante du fort Saint-Nicolas. 280 projectiles furent ainsi lancés sur la préfecture. À 8 heures du soir enfin les marins de la Couronne et du Magnanime osèrent aborder le monument abandonné par ses derniers défenseurs. Ils y trouvèrent, en plus des cadavres des combattants, les otages de Landeck sains et saufs. Ce dernier avait décampé, pris le train pour Paris, laissant les Marseillais, Crémieux notamment, payer la casse. La répression fut implacable. À la lampisterie de la gare, dans les casernes, dans les forts, dans les prisons on fusilla sans autre forme de procès les vaincus saisis sur place. Le lendemain et le surlendemain, un millier de citoyens étaient arrêtés, conduits au Château d’If et au fort Saint-Nicolas. Parmi eux, Gaston Crémieux, auquel ses juges désireux d’un procès sensationnel, qui soulignât leur victoire, devaient faire attendre quelques mois la mort. Le 5, Espivent opérait son entrée triomphale dans la ville conquise et allait rendre grâce solennellement au Dieu des armées aux cris de : « Vive Jésus ! Vive le Sacré-Cœur ! » Ce galonné de sacristie, qui s’était montré si couard devant le Prussien, était complet.

Ce même jour, 5 avril, voyait aussi la défaite du prolétariat de Limoges qui, le 4, avait tenu la ville, empêché le 91e de ligne, mandé par Thiers, de se rendre à Versailles pour y renforcer l’armée de l’ordre et mis en déroute un ou deux escadrons de cuirassiers dont le colonel Billet tombait sous leurs coups mortellement atteint. Victoire sans lendemain, comme partout ailleurs.

Dans la Nièvre, dans le Cher, les agitations provoquées dans les milieux paysans, où les noms de Cambon et de Félix Pyat étaient familiers et populaires, n’avaient pas meilleure fortune.

Ainsi, au 6 avril, tout était fini. Le soulèvement provincial en faveur de la Commune de Paris avait échoué sur toute la ligne. Pour l’enrayer, le dissoudre, quelques jours avaient suffi et quelques régiments. Pourquoi ? Pour les raisons générales exposées au début de ce chapitre et qui se résument en ceci : que l’évolution politique accélérée qui s’était produite à Paris, sous l’Empire, et l’avait entraîné jusqu’au seuil du socialisme, ne s’était pas produite telle en province et que les deux milieux, par suite, ne correspondant pas à ce moment de l’histoire, ne pouvaient donc pas vibrer à l’unisson. Pour des raisons particulières que nous avons également notées ensuite au cours du récit, les retrouvant les mêmes à Lyon et à Saint-Étienne, à Toulouse, à Narbonne et à Marseille : l’absence de plan, d’organisation, de direction, l’incertitude sur le but et sur les moyens, la pénurie et l’insuffisance des meneurs, des chefs qui ne savent pas profiter de la victoire première, l’incurie et le flottement des