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où il pénétrait, accompagné de Cipriani et montait dans une chambre où las, il s’étendait sur un lit. Une heure à peine s’était écoulée, qu’on heurta à la porte. L’hôte, semble-t-il, était allé aviser les gendarmes qui patrouillaient aux environs, et ceux-ci accouraient. Flourens se réveille en sursaut, bondit sur ses armes ; Cipriani l’imite et ils essaient de disputer la porte de leur refuge. Trop tard : quarante gendarmes les cernent, les assaillent, les poussent dans l’escalier, les désarment et les font prisonniers. Sur ces entrefaites, survient le capitaine de gendarmerie, Desmaretz. « Ah ! c’est vous Flourens, cria-t-il, qui tirez sur mes gendarmes », et se dressant sur ses étriers, il lui fend le crâne d’un seul coup de sabre. Le cadavre fut jeté sur un tombereau de fumier et conduit à Versailles, Cipriani couché à côté, à moitié assommé et passant pour mort.

Duval, Flourens étaient des chefs ; les soldats ne furent pas davantage épargnés. En cette journée du 3 avril, Galliffet fusilla indistinctement les gardes nationaux qui tombèrent entre ses mains. À Chatou, c’est le Gaulois du 4 qui en fait le récit circonstancié, il avait surpris trois fédérés : un capitaine, un sergent, un simple garde. Tous trois furent passés par les armes, sans autre forme de procès. Le soudard se rendit ensuite à la mairie et y rédigea la proclamation suivante qui fut incontinent tambourinée à son de caisse dans la commune : « La guerre a été déclarée par les bandits de Paris. Hier, avant-hier, aujourd’hui ils m’ont assassiné mes soldats. C’est une guerre sans trêve ni pitié que je déclare à cep assassins. J’ai dû faire un exemple ce matin ; qu’il soit salutaire ; je désire ne pas en être réduit de nouveau à pareille extrémité. N’oubliez pas que le pays, que la loi, que le droit par conséquent sont à Versailles et à l’Assemblée nationale et non pas avec la grotesque Assemblée de Paris, qui s’intitule Commune ».

Si le relire parlait avec ce cynisme féroce, c’est qu’il y était autorisé par Versailles, que la consigne était donnée telle de traiter les belligérants parisiens en insurgés, de les exécuter sommairement, à fantaisie. Vinoy, commandant en chef, à l’autre bout du champ de bataille, se comportait à l’avenant. Preuve que le gouvernement et l’Assemblée de Versailles avaient résolu de mettre hors les lois de la guerre et de l’humanité quiconque porterait les armes pour Paris, et que l’assassinat méthodique, systématique, de tous les partisans de la Commune était déjà dans son plan. La racaille dorée, réfugiée dans la ville du Roi Soleil, poussait ministres et généraux dans cette voie atroce, estimant la répression trop lente et trop douce encore, comme en témoignent les relations des infortunés traînés à la géhenne de Satory en ces journées de folie sanguinaire.

« Il est impossible, a narré l’un d’entre eux, le même que nous citions tout à l’heure à propos de l’exécution de Duval, de décrire l’accueil que nous retournes dans la cité des ruraux. Cela dépasse en ignominie tout ce qu’il est possible d’imaginer. Bousculés, foulés aux pieds, à coups de poings, à coups