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de couches d’air sans cesse renouvelées et sans cesse élargies. Vient-elle à retomber sur elle-même, elle agonise.

La journée du 4 fut employée par l’armée de Versailles à parfaire sa victoire, à détruire ou refouler les derniers débris de l’armée fédérée qui, en deça de la ligne des forts du sud, tenaient encore la campagne.

Duval, on l’a vu tout à l’heure, s’était relire dans la soirée du 3 sur le plateau de Châtillon. Il n’avait plus autour de lui qu’une poignée de combattants, pas de vivres, pas de canons, qu’importe, il ne se rendrait pas. Dès 5 heures du matin, il fut attaqué avec rage, de front, par la division Pellé, de flanc, par la brigade Derroja, 10.000 hommes contre 1.500. Duval essaie en vain de se frayer un chemin : il est trop tard. Le général Pellé propose la vie sauve à qui se rendra et les vaincus déposent les armes. Les bataillons de la garde nationale qui occupaient les villages de Châtillon et de Clamart étaient intervenus inutilement pour conjurer le désastre. Malgré la mise hors de combat du général Pellé blessé d’un éclat d’obus, le général La Mariouse enlevait Clamart et poussait jusqu’au moulin de Pierre, ne s’arrêtant que devant les forts d’Issy et de Vanves qu’il n’osait cependant pas aborder.

Après la victoire, la tuerie, la réaction maîtresse préludait, sans perdre une seconde, aux épouvantables massacres qui marqueront dans Paris son triomphe définitif.

Pellé, nous venons de le dire, avait promis la vie sauve aux prisonniers. Or, son premier soin fut de fusiller tous ceux des combattants reconnus comme soldats déserteurs ou prétendus tels. « On nous dispose en cercle sur le plateau, a raconté un témoin oculaire, et on fait sortir de nos rangs les soldats qui s’y trouvaient. On les fait mettre à genoux dans la boue, et sur l’ordre du général Pellé, on fusille impitoyablement, sous nos yeux, ces malheureux jeunes gens, au milieu des lazzi de MM. les officiers qui insultaient notre défaite par toutes sortes de propos atroces et stupides. Enfin, après une bonne heure employée à ce manège, on nous forme en ligne et nous prenons le chemin de Versailles entre deux haies de chasseurs à cheval. Sur la route, nous rencontrons le capitulard Vinoy, escorté de son état-major. Sur son ordre, et malgré la promesse formelle que nous avait faite le général Pelle, nos officiers, qu’on avait placés en tête du cortège et à qui on avait violemment arraché les insignes de leur grade, allaient être fusillés, quand un colonel fil observer à M. Vinoy la promesse faite par son général ». Vinoy pourtant n’en voulut pas démordre complètement. « Y a-t-il un chef ? » cria-t-il. — C’est moi, répondit Duval ; je suis Duval. — « Faites-le fusiller », dit Vinoy. Cependant, un second officier sortait des rangs : « Moi, je suis son chef d’état-major », dit-il ; et un troisième : « Moi, je suis son aide de camp ». Tous trois franchirent allègrement d’un bond le fossé qui borde la route et vinrent s’adosser au mur d’un pépiniériste où ils tombèrent foudroyés en criant : « Vive la République ! Vive la Commune ! » Un cavalier, un lâche, arracha les bottes de Duval qu’il