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ce moment encore, le compte rendu, écourté et émondé, donne l’accessoire, le banal, mais ne livre rien ou peu du drame intérieur, dans la crainte de mettre l’ennemi versaillais et ses alliés de Paris, la presse thiériste et radicale, au courant d’une situation qu’il y avait intérêt vital à céler.

Une chose nous aidera cependant : les procès-verbaux originaux de la Commune elle-même, arrachés aux flammes de l’incendie de l’Hôtel de Ville, le 23 mai, par un ami d’Amouroux, dernier secrétaire de la Commune, et aujourd’hui conservés à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris[1]. L’aide serait surtout précieuse si les rédacteurs des comptes rendus avaient été, en ces premiers jours, soucieux d’exactitude et de précision. Malheureusement, ce service, comme d’autres, ne devait se régulariser que plus tard. Rigault, Ferré, qui assumèrent la charge au début, suivaient pour leur compte trop passionnément les débats, où ils étaient eux-mêmes partie prenante et agissante, pour s’être montrés des scribes bien appliqués et consciencieux. Des notes sommaires, informes, souvent hiéroglyphiques, une translation trouée de lacunes, fourmillant d’abréviations, c’est ce qu’ils nous ont légué. Telles quelles, ces notes valent mieux cependant que le reste. En les éclairant à la lumière de la documentation antérieure, en les éprouvant et les complétant par cet intermédiaire, elles permettent de reconstituer, approximativement du moins, la physionomie vraie de ces premières séances, où la Commune décida de sa voie, tendit à écarter les obstacles les plus proches qui s’opposaient à sa marche et chercha à lier la population de Paris à son œuvre et à son combat.

Comme ces notes ont un autre mérite, celui de l’inédit ; que si certains des historiens de la Commune, Lissagaray, par exemple, les ont eues en main, parcourues, aucun, en réalité, ne s’en est servi et ne les a, en tout cas, même partiellement, publiées dans leur texte exact, nous croyons que le meilleur, avant commentaires, est de donner ici les procès-verbaux des trois premières séances (28 et 29 mars) ; les deux premiers écrits de la main même de Ferré, le troisième de la main de Ferré et de Rigault, apparemment. Peut-être cette publication fragmentaire montrera-t-elle, en outre, l’intérêt de la publication intégrale d’un manuscrit qui est, après tout, essentiel, et sans lequel une histoire consciencieuse de la Commune ne peut même pas être entreprise.

Voici donc ce document :

  1. Les procès-verbaux, venus en la possession de M. Mayer, ancien conseiller municipal de Paris, ont été cédés par son fils, G. Mayer, à la Bibliothèque Carnavalet, depuis Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, où on les trouve au fond de Réserve. Le bibliothécaire en chef, M. L. Poëte, a bien voulu les communiquer à l’auteur de la présente étude. Lissajaray avait déjà eu ces procès-verbaux en main et les avait feuilletés.