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suivante reçue du chef du quartier général ennemi : « Les troupes allemandes ont ordre de garder une attitude passive, tant que les événements, dont l’intérieur de Paris est le théâtre, ne prendront point à l’égard de nos armées un caractère hostile. »

L’offensive populaire se trouva aussi favorisée de ce fait que l’entente, il faut bien le dire, n’était pas complète parmi les maires. Si certains, à la remorque de Thiers, marchaient d’un cœur joyeux à la bataille contre le Comité central, d’autres prenaient au sérieux leur rôle de pacificateurs et n’admettaient pas que leur opposition au Comité ne se doublât pas d’une pression résolue sur l’Assemblée nationale, à l’effet de lui arracher les concessions indispensables, à leur sens, au rétablissement de la concorde publique. Les conciliants forçant la main aux implacables devaient précisément, en cette journée du 23, les engager à une démarche solennelle auprès de Versailles, dont les péripéties influencèrent profondément les événements.

Cette démarche donna lieu, en effet, à une scène scandaleuse où les réacteurs de l’Assemblée dévoilèrent la stupidité et la férocité de leurs instincts. Quand les maires et adjoints, une vingtaine, avec leurs insignes et leur écharpe, apparurent en séance dans la tribune que la questure leur avait réservée, ils tombaient à point. Sur la proposition d’un La Rochetulon, l’Assemblée venait de voter une loi portant formation, dans les départements, de bataillons de volontaires chargés de protéger la souveraineté nationale et de réprimer l’insurrection de Paris, autrement dit de décréter l’organisation de la guerre civile. Dès que les maires sont entrés, tous les regards convergent vers eux, et une agitation intense se propage de banc en banc. La gauche se lève et acclame au cri de : « Vive la République ! ». La droite et le centre ripostent par le cri de : « Vive la France ! » Puis, des gorges des ruraux, une vocifération monte : « À l’ordre ! À l’ordre ! ». Henriquinquistes, orléanistes quittent la salle en façon de protestation, et le président, complice — c’était le républicain Grévy — lève la séance. Le soir, à la reprise, quelques maires sont encore présents. Arnaud de l’Ariège, député et maire du VIIe, donne lecture d’une déclaration demandant que l’Assemblée se mette en rapport permanent avec les maires, les aide, les appuie dans leur œuvre de pacification et que, dans ce but, tout de suite elle fixe au 28 du mois l’élection du commandant en chef de la garde nationale, et au 3 avril, si possible, les élections municipales. La droite, le centre hurlent, trépignent. Ces propositions si anodines, si restrictives sont renvoyées pour enterrement à la Commission. L’épreuve était décisive. Versailles ne tolérait les maires que s’ils se constituaient les complaisants serviteurs de ses vengeances et de ses représailles ; que dis-je ? même à cette condition, elle ne les tolérait pas encore. Parisiens, elle les enveloppait dans le sentiment général de réprobation et d’exécration que lui inspirait Paris.

Les maires comprirent sans nul doute. Pourtant, ils demeurèrent, au premier moment, sur la réserve. Thiers avait fait le mot à leurs chefs de file, à