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heure d’audace, mais qui depuis le siège était définitivement passé dans le camp de la conservation sociale, rapportait sur le projet de Clemenceau et de ses collègues, tendant à accorder à la capitale, avec des élections immédiates, des libertés municipales égales à celles des autres communes de France. Il conclut, au nom de la Commission, au rejet pur et simple de la proposition et Picard, ministre de l’Intérieur, lui succédant, vint dire quel traitement d’exception le gouvernement réservait à la première ville du pays. Le projet gouvernemental, devenu du reste la loi, loi qui nous régit actuellement encore, réduisait le Conseil municipal parisien à un simple rôle de comptable et le plaçait entre les mains et sous la haute surveillance du préfet de la Seine et du préfet de police, qui en étaient en réalité les présidents. La convocation du Conseil appartenait au seul préfet de la Seine. L’urgence fut immédiatement décidée et, dès cette après-midi, le projet apparut comme voté.

Certes, ce n’est pas avec ce gâteau-là que l’on pouvait espérer amadouer Paris, pas plus sa petite bourgeoisie que son prolétariat. Les maires le comprirent si bien que certains dès lors, de crainte d’être débordés, craignant que le Comité central n’entrainât à sa suite toute la population, ils se préparèrent à la résistance violente à main armée. Contre qui ? Contre l’Assemblée nationale, contre Versailles réactionnaire ? Non, contre le Comité central, contre Paris révolutionnaire. Concentrant autour de la mairie de la Banque la garde nationale de l’ordre, ils prenaient, au cours du 22, de véritables dispositions de combat. Pour cela, ils recouraient, eux aussi, au bon moyen. Comme le Comité central, ils avaient frappé aux guichets de la Banque, et par un avis signé Tirard, Dubail et Héligon affiché à profusion, ils annonçaient que dès le lendemain ils paieraient la solde, au palais de la Bourse, à tous les gardes nationaux dont les mairies se trouvaient au pouvoir de représentants du Comité central, Ils devaient ainsi, le soir et le lendemain, grouper 25,000 hommes avec lesquels le Ier et le IIe arrondissements furent militairement occupés. Les mairies de ces deux arrondissements étaient fortifiées ; des postes, des sentinelles placés à tous les coins de rue, du pont des Arts à la gare Saint-Lazare, point de contact avec Versailles, et d’où le bataillon fidèle au Comité central avait été délogé et remplacé par un bataillon de l’ordre. Paris était de la sorte divisé en deux camps. Les forces hostiles de l’Hôtel de Ville et des maires se faisaient face sur un front de plusieurs kilomètres : à toute minute une collision était à craindre. À l’armée des maires, qui prenait ainsi bel et bien la succession des « Amis de l’Ordre », seul un général manqua, l’amiral Saisset s’étant dérobé à la gloire de la commander, tout comme il avait décliné les invitations des manifestants de la place Vendôme. L’honneur échut à un certain Quevauvillers, chemisier de sa Majesté l’empereur Napoléon III et homme de confiance de Tirard. C’était insuffisant.

Quoi qu’il en soit, la situation était trop tendue ainsi pour durer. Le Comité central, directement menacé, attaqué et contrarié dans tous ses actes, se décida