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failli amener l’ennemi à Paris ». La réaction, à savoir les neuf dixièmes et demi de l’Assemblée, exulte et trépigne.

C’est dans ce milieu surchauffé, affolé, que les députés de la Seine essayent timidement, avec des précautions infinies, de réclamer la mise à l’ordre du jour des mesures dont le vote, ils le savent, est attendu impatiemment de tout Paris, de la bourgeoisie aussi bien que du peuple, et qui, seules, peuvent provoquer une détente, offrir un terrain à la conciliation. Clemenceau dépose et lit une proposition relative aux élections municipales. Cette proposition prévoit des élections dans le plus bref délai pour un Conseil composé de 80 membres, choisissant dans son sein son président qui aurait titre et exercerait les fonctions de maire de Paris. Au bas, avec celle de Clemenceau, 16 autres signatures : Louis Blanc, Schœlcher, Tolain, Tirard, Brisson, Greppo, Lockroy, Langlois, Edgar Quinet, Brunet, Millière, Martin Bernard, Cournet, Floquet, Razoua, Farcy.

Au nom des mêmes signataires, Langlois réclame la reconnaissance du droit pour la garde nationale d’élire tous ses chefs. Une troisième proposition, de Millière, demande l’ajournement à six mois des échéances des effets de commerce. Le gouvernement étant intervenu, l’urgence fut votée sur ces propositions : mais, dès lors, on pouvait prévoir le sort qui leur était réservé.

Par bonheur pour lui, le Comité central avait surmonté ou tourné en ce jour l’un des obstacles les plus redoutables qui s’opposaient à sa marche ; il avait réglé la question du paiement de la solde de la garde nationale. 300.000 hommes, en effet, étaient là qu’il devait nourrir matin et soir. D’où 450.000 fr., au bas mot, à débourser quotidiennement, sans parler des secours complémentaires. La charge lourde pour toutes épaules l’était plus encore pour les épaules de ces nouveaux venus à la vie politique et administrative. Deux hommes de cœur, d’intelligence et d’énergie s’attelèrent à la besogne et surent pourtant la mener à bien : Jourde et Varlin. N’ayant pas voulu, le 19, par scrupule, forcer les coffres du ministère des Finances, où ils auraient trouvé près de 5 millions, et après s’être adressés le matin du 20, à de grands établissements de crédit qui leur avaient fait des promesses assez vagues, ils allaient directement, dans la journée, frapper à la Banque. Là, le gouverneur Rouland, qui redoutait pire, leur remettait un million à la seule condition que mention fut faite au reçu que cette somme avait été réquisitionnée pour le compte de la Ville. Ainsi, le Comité central pouvait voir venir. Il avait facilité pour se retourner et aviser.

À vrai dire, il était temps, car le lendemain matin l’attaque commençait sur toute la ligne.

Les députés et les maires d’abord se hâtaient de porter par affiche à la connaissance de la population que l’Assemblée nationale avait, sur leur invitation, voté l’urgence d’un projet de loi relatif aux élections du Conseil municipal de Paris et ils invitaient, en conséquence, la garde nationale à écarter toute