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nationale décidait définitivement de fixer son siège hors de ses murs.

Autant de résolutions, autant de votes, autant de démonstrations de l’Assemblée, autant de soufflets sur la face de Paris, autant d’attentats contre son droit, ses libertés, son existence même.

Comment n’aurait-il pas vu clair maintenant, le patriote tout bénet et tout simpliste qui avait dit « les Prussiens d’abord ». et de même le républicain, le républicain tout court, sans épithète, mais qui estimait pourtant qu’au 4 septembre, par la déchéance, quelque besogne avait été accomplie, utile et salubre, glorieuse pour la France et de conséquences fécondes.

Au patriote, les héros de la « Défense nationale » montraient, triomphateurs modestes, le pays éventré, la frontière reculant du Rhin jusqu’aux Vosges, l’occupation du tiers du sol français consenti à l’envahisseur en garantie du paiement de l’indemnité de 5 milliards, Paris enfin que l’ennemi n’avait pu enlever de vive force, qu’il n’avait pu que cerner et affamer, ouvert à ses cohortes défilant militairement dans ses grandes avenues de l’Ouest, sous son arc de triomphe de l’Étoile.

Au républicain, l’Assemblée nationale se présentait elle-même, ramassis le plus extraordinaire et le plus répugnant de toutes les friperies du passé, de tous les fantômes des régimes déchus, de tous les légitimistes et orléanistes sortis de leurs gentilhommières, pourvus de la bénédiction papale, de tous ces ruraux n’ayant qu’une peur : la peur des villes et de Paris capitale ; qu’une haine : la République, et décidés, toute honte bue, à se réfugier sous la botte du Prussien pour, de connivence avec lui, étrangler la Gueuse et restaurer sur le trône des aïeux ou l’Henri V à l’oriflamme fleurdelysé ou l’un de ces Orléans déjà arrivés dans les fourgons de Coblentz.

Patriote, républicain, rejoignaient, pour le moment du moins, le socialiste et le révolutionnaire du siège et allaient faire bloc avec lui. Paris, dans son unité, se dressait enfin pour la République et, contre l’ennemi extérieur et contre l’ennemi intérieur, prêt à un 31 octobre ou à un 22 janvier victorieux.

Choc en retour, réflexe fatal.

Mais ce réflexe, que certains socialistes avaient escompté, dans lequel ils avaient mis leur espoir suprême, quelqu’un autre aussi, peut-on dire aujourd’hui, l’avait pressenti et déjà l’escomptait pour une besogne toute différente.

Ce quelqu’un, c’était la fraction la plus consciente de la réaction, la tête de la bourgeoisie, les républicains félons de la « Défense nationale » qui ne pardonnaient malgré tout pas à Paris sa résistance héroïque et de les avoir percés à jour, rejetés et flétris au pied des urnes, quand, de leur bande, il ne laissait passer que le seul Jules Favre, dernier de la liste. Et au-dessus d’eux, plus qu’eux, le nouveau chef du Pouvoir exécutif, le vieux forban et massacreur d’antan, Thiers, persuadé dans sa logique de Tamerlan bourgeois que les temps étaient propices d’une abondante saignée prolétaire, pour permettre