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toute sécurité des fenêtres des bâtiments de l’Assistance publique. La décharge étend raide mort le courageux Sapia et une trentaine de gardes. Ceux-ci attendent l’artillerie, mais l’artillerie ne vient pas. Le commandant du parc, Treilhard fils, a éventé les intelligences nouées par Leverdays dans la place et substitué aux officiers et canonniers circonvenus des hommes sûrs. Leverdays croyait prendre ; il est pris. Toute lutte est devenue en conséquence impossible. Les manifestants se replient en désordre vers la rue du Temple. Les gardes nationaux du XXe, embusqués avenue Victoria, protègent la retraite, en empêchant par leur feu les mobiles de sortir de l’Hôtel de Ville.

Ainsi le dernier effort tenté par la Corderie échouait. Libre champ était laissé aux capitulards. Le 27 à minuit, le canon se tut aux remparts, Favre avec Bismarck avaient arrêté les termes d’un armistice de 15 jours qui spécifiait l’occupation des forts par les Allemands et le désarmement des troupes, soldats et mobiles, moins une division. Le 29, au matin, le drapeau de l’étranger flottait sur tous les ouvrages de la défense, hors des murs. Les armes étaient pourtant laissées à la garde nationale. Ni Favre, ni Bismarck ne s’étaient sentis d’humeur et de taille à les lui enlever.

Une des clauses de l’armistice prévoyait en outre la réunion immédiate d’une assemblée, nommée par le pays, pour statuer sur la question unique de la paix ou de la guerre.

Il n’y eut jamais d’élections plus libres a déclaré depuis la réaction. À qui fera-t-on accroire semblable imposture que l’on pût accepter pour libres des élections accomplies sous l’œil et la pression du vainqueur, occupant à ce moment tout ou partie de quarante-trois départements et tenant la capitale sous ses canons.

Les élections eurent lieu le 8 février. La province presque entière répondit : « Paix à tout prix ! » Paris, au contraire, clamait : « Guerre à outrance ! » Et, sur 43 mandataires, à 5 ou 6 exceptions près, dont 2, il est vrai, lamentables : Jules Favre et Thiers[1], ne choisissait que des hommes ayant mandat de se prononcer pour la continuation de la guerre ; en tout cas, de ne pas admettre que la paix pût être obtenue au prix de l’intégrité du territoire.

Ces élections — le temps le voulait ainsi — avaient été, du reste, plus politiques et patriotiques que sociales. Paris, mù par un sentiment de fierté un peu puéril, avait d’abord songé à élire ceux qu’il appelait alors les gloires : Louis Blanc, qui arriva en tête avec 216.530 voix ; Victor Hugo, Edgar Quinet, Henri Martin. Ces hommes avaient été portés sur la liste dénommée des Quatre Comités, dont Blanqui, malgré les efforts de Vaillant, qui se refusa alors lui-même à y être inscrit, avait été écarté par une injure suprême.

  1. Par un miracle renouvelé des beaux temps de l’Empire, M. Thiers qui, la veille de la proclamation officielle, ne groupait pour tout potagre que 61.000 voix et n’allait pas élu, vit le lendemain ce chiffre atteindre à 103.000.